Contestation d’une action municipale anti-laïque et Dénonciation au Ministre

Jacques Légaré

2019-09-21

La municipalité de Saint-Augustin-de-Desmaures a entériné à l’unanimité par résolution du Conseil le 17 septembre 2019, par ses 6 conseillers et le maire, une subvention de $1200 à l’organisation Saint-Vincent-de-Paul fondée et liée à l’Église catholique.

Cette mesure contrevient à la Loi de la laïcité du Québec.

La mission de l’État n’est pas de redistribuer l’argent des citoyens à des organisations à caractère religieux sous prétexte de charité, mais de participer à la redistribution de la richesse au nom des droits humains que constituent entre autres l’égalité et la fraternité lesquelles sont des valeurs civiles universelles. La charité est un devoir moral individuel. La répartition équitable de la richesse est un devoir civique qui n’échappe pas au principe de la neutralité religieuse de l’État.

La présente demande aux deux Ministres responsables de corriger, renverser et sanctionner un tel déni de la loi par cette municipalité.

Les divers considérants de la loi de la laïcité ne limitent pas la laïcité au port de signes religieux. Ils affirment plus largement la séparation et neutralité strictes de l’État, donc des municipalités ses créatures, avec les organisations religieuses.

« CONSIDÉRANT qu’il y a lieu d’établir un devoir de réserve plus strict en matière religieuse à l’égard des personnes exerçant certaines fonctions, se traduisant par l’interdiction pour ces personnes de porter un signe religieux dans l’exercice de leurs fonctions. »

Ainsi donc la « traduction » de la neutralité par l’interdiction du port de signes religieux ne signifie pas une laïcité limitée à cette seule restriction. Sinon, le législateur aurait spécifié cette limitation avec clarté.

Quand dans sa loi le législateur spécifie, il ne limite pas pour autant le concept, si large, de la laïcité.

En plus, l’expression « droit de réserve » exigé des élus ne souffre quant à lui aucune restriction spécifique.

Plus encore, « le respect du devoir d’impartialité » va aussi dans ce sens, dans le sens de l’ensemble des actions de l’État.

1, Une donation caritative à un organisme religieux contrevient à l’impartialité de la municipalité qui est tenue car tous ses administrés ne font pas partie et n’adhèrent pas à la religion de cette organisation.

Les principes de la laïcité, bien identifiés par la loi, sont violés par un don à toute organisation religieuse. En effet,

1, « La séparation de l’Église et de l’État » (1, 2, 1) implique qu’une municipalité n’est pas légitiment autorisée, discrétionnairement et inégalement, à financer une activité, même admirable comme l’aide aux plus démunis, d’une organisation religieuse.

La municipalité n’a pas non plus, dans sa loi constitutive, une disposition d’aider les organisations dans leur prosélytisme caritatif.

2, « La neutralité de l’État » (1,2,2) est aussi transgressée dans cette résolution municipale. En effet, une municipalité qui favorise une organisation religieuse spécifique le fait aux dépends d’autres organisations caritatives non religieuses ou de celles d’autres religions qui en sont privées.

3, « L’égalité de tous devant la loi » (1,2,3) est aussi malmenée, car les autres citoyens (laïcs ou religieux) qui font des dons charitables ne sont pas partie prenante de la subvention accordée à une organisation spécifique.

« La laïcité de l’État exige que, dans le cadre de leur mission, les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires respectent l’ensemble des principes énoncés à l’article 2, en fait et en apparence. » (art. 3).

Cet respect exigé par la loi ne le fut pas par la résolution de la municipalité. À la fois, « en fait et en apparence » comme l’exige la loi. Jamais elle n’a demandé à la population de se prononcer sur ce genre de dons (à qui, combien et comment). Elle a agi d’une façon discrétionnaire, sans consultation et avec favoritisme. Chaque conseiller est pourtant tenu du contraire : (annexe 3, alinéa 2 : « un élu municipal »).

La loi de la laïcité, abrogeant toute espèce d’accommodement (art.20) pour des raisons religieuses, allait dans le sens plus large d’une laïcité qui refuse à la religion un privilège, une exception ou une faveur. Le tout sous l’angle plus large ou plus haut de justice envers tout qui est profane ou, sans religion ou d’une autre religion. Ainsi donc un don d’une municipalité à une organisation religieuse spécifique heurte les droits à l’égalité des personnes et des autres associations.

D’ailleurs, la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt M.L.Q c. Ville de Saguenay prône aussi cette obligation de l’État :

« L’obligation de neutralité religieuse de l’État résulte de l’interprétation évolutive de la liberté de conscience et de religion. L’évolution de la société canadienne a engendré une conception de cette neutralité suivant laquelle l’État ne doit pas s’ingérer dans le domaine de la religion et des croyances. L’État doit plutôt demeurer neutre à cet égard, ce qui exige qu’il ne favorise ni ne défavorise aucune croyance, pas plus que l’incroyance. La poursuite de l’idéal d’une société libre et démocratique requiert de l’État qu’il encourage la libre participation de tous à la vie publique, quelle que soit leur croyance. Un espace public neutre, libre de contraintes, de pressions et de jugements de la part des pouvoirs publics en matière de spiritualité, tend à protéger la liberté et la dignité de chacun, et favorise la préservation et la promotion du caractère multiculturel de la société canadienne. En raison de l’obligation qu’il a de protéger la liberté de conscience et de religion de chacun, l’État ne peut utiliser ses pouvoirs d’une manière qui favoriserait la participation de certains croyants ou incroyants à la vie publique au détriment des autres. Si, sous le couvert d’une réalité culturelle, historique ou patrimoniale, l’État adhère à une forme d’expression religieuse, il ne respecte pas son obligation de neutralité. Le Tribunal a donc correctement décidé en statuant que, en raison de son obligation de neutralité, une autorité étatique ne peut instrumentaliser ses pouvoirs afin de promouvoir ou d’imposer une croyance religieuse. Contrairement à ce que suggère la Cour d’appel, l’obligation de l’État de demeurer neutre en matière religieuse n’est pas conciliable avec une bienveillance qui lui permettrait d’adhérer à une croyance religieuse »

(Soulignement ajouté)

Nous demandons au ministre des affaires municipales de corriger l’action de la Municipalité selon l’art. 12, 1., qui l’en autorise.

Nous lui demandons en outre de la sanctionner d’une façon exemplaire car un résident de la Ville (le soussigné) avait, par plusieurs courriels à tous membres du Conseil Municipal, demander ne pas accorder par règlement pareille subvention à l’organisation religieuse en raison très explicitement dit de notre toute nouvelle loi sur la laïcité.

Les réponses de deux membres seulement (sur 7), négatives, furent acheminées par courriel au résident-soussigné. Aucune ne contenait une référence à la loi sur la laïcité (invoquée pourtant dans la mise en garde qui leur était adressée). Comme si cette loi de laïcité n’existait pas ou qu’on pouvait la considérer comme déjà obsolète ou sans importance.

Dans cette municipalité où je réside depuis 1974, la pratique cavalière est fréquente de voter à qui mieux mieux des dérogations de toutes sortes. Être à l’écoute des citoyens ne doit pourtant pas signifier donner n’importe quoi (a fortiori un montant d’argent à une organisation religieuse) pour un caprice individuel, pour bien se faire voir par l’électorat ou pour une préférence religieuse.

Pire encore, les résidents de cette municipalité furent dans le passé victimes de malversations de la part d’une organisation religieuse par la vente à la Ville pour $1.3 million d’un immeuble voué à la démolition, et dont aucune inspection préalable ne fut exigée par la Ville acquéreuse de l’immeuble (le CCJMR). Le tout en catimini par l’ancienne administration et démission à sa contestation par l’administration présente.

La présente demande au ministre est dans la suite de ce découragement des citoyens à l’égard de la lucidité, voire de l’intégrité, des élus de cette municipalité à respecter la loi et à bien gérer les fonds publics.

Nous demandons au ministre une « mesure disciplinaire » (art.13) à l’encontre de la municipalité. Elle doit être forte et dissuasive pour bloquer dès maintenant, partout au Québec, pareil mépris d’une loi du Québec. La ville de Québec a contrario fut exemplaire. Par son maire M. Régis Labeaume, elle a refusé pareille donation à l’Église catholique en disant simplement à peu près ceci : « À la Ville de Québec n’existe aucun service ou département de la religion ».

Nous demandons au Ministre de faire exemple pour que toute municipalité respecte notre loi de la laïcité et ne donne jamais la moindre subvention ou avantage spécifique à une organisation religieuse, même pour des raisons apparemment louables. Cette brèche deviendrait, à terme, une porte ouverte à la déchéance de la loi dans l’opinion de nos compatriotes.

Jacques Légaré
Ph.d. en philosophie politique
Maître en histoire.

Informations sur la résolution contestée

3 commentaires sur “Contestation d’une action municipale anti-laïque et Dénonciation au Ministre
  1. Jacques Légaré dit :

    Texte très bien amélioré.

    Merci de me publier.

    Au plaisir de se rencontrer le 12.

    J.L.

  2. Yves Gauthier dit :

    C’est dans l’exercice au quotidien des pouvoirs de l’État que se matérialise la laïcité. Ce n’est pas quelque chose sans assises juridiques. Il faut que la laïcité s’incarne dans les gestes et la pensée de l’État et de ses mandataires.

  3. Réjean Fréchette dit :

    Cette sorte de délire (croyance religieuse) ne devrait pas avoir aucun privilège,aide financière ou exemption de taxes,ça devient inéquitable pour ceux ou celles n’en souffrant pas,surtout qu’on doit compenser ce manque à gagner.

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