Pourquoi l’athéisme ?

David Rand
Président, Libres penseurs athées – Atheist Freethinkers
Montréal, Québec, Canada

2017-04-02

Ce discours a été présenté lors de l’événement Journées athées 2017 (Dni Ateizmu 2017) tenue à Varsovie, Pologne, et organisées par la Fondation Kazimierz Lyszczynski

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L’athéisme : Ce qu’il n’est PAS

  • L’athéisme n’est pas une croyance.
  • L’athéisme n’est pas une religion.
  • L’athéisme n’est pas une affaire de « foi ».

Si l’athéisme est une religion, alors :

  • La calvitie est une couleur de cheveux.
  • Ne pas jouer au hockey est un sport d’hiver.
  • S’abstenir de pratiquer la philatélie est un hobby.
  • Ne pas rédiger d’horoscopes est une forme d’astrologie.
  • etc., etc., etc., …

L’athéisme : Ce qu’il est

L’athéisme est une incroyance, une absence de croyance en dieu(x). C’est un refus de croire ou d’accréditer le théisme. Ce dernier est disponible en de nombreuses variantes : le polythéisme, le monothéisme, le monothéisme abrahamique, etc. Mentionnons en passant que le christianisme appartient aux religions abrahamiques — en ordre historique, le judaïsme, le christianisme et l’islam — et est donc un monothéisme. Toutefois, il faut se demander si c’est vraiment « mono- ». En effet, le christianisme trinitaire est la variante la plus importante de cette religion et peut donc être considéré un trithéisme car il possède trois divinités : le père, le fils et le « Saint Esprit ». Le calcul chrétien est bizarre.

Quoiqu’il en soit, l’athéisme est le résultat inéluctable d’un examen et d’une mise en cause du théisme, c’est-à-dire, le résultat de l’application du doute systématique au théisme. Le déni de l’existence de(s) dieu(x) est la conséquence de ce processus de doute systématique et non pas son point de départ. Si nous examinons l’hypothèse « dieu », nous trouvons qu’elle est dépourvue de preuves et, de plus, elle se contredit elle-même. Nous sommes donc dans l’obligation de la rejeter. Le soi-disant « agnosticisme » n’est pas une alternative à l’athéisme. Au contraire, l’agnosticisme est précisément cette technique de doute qui, lorsqu’elle est appliquée au théisme, nous amène inévitablement à l’athéisme (tel qu’expliqué par David Eller).

Le rejet du surnaturel

Les dieux des divers monothéismes sont les plus importants et les plus flagrants exemples de croyances surnaturelles. Il y a bien entendu une panoplie d’autres croyances surnaturelles : les diables, les démons, les anges, les phantômes, la vie après la mort, la réincarnation, etc. Pour être cohérent, l’athée rejettera toute croyance surnaturelle, car toutes sont infondées.

« …Au fait, le surnaturel est un concept insensé, car si un phénomène dit “surnaturel” était observé, il serait de ce fait naturel, faisant partie de la nature et susceptible d’être étudié par la science. »

Manifeste athée

L’athéisme est négatif

La nature fondamentalement négative de l’athéisme n’est pas une faiblesse. Au contraire, c’est une force. Bien que l’athéisme soit essentiellement négative, ses implications sont profondes et très positives. Ayant rejeté les croyances surnaturelles infondées, l’athée :

  • est libéré intellectuellement du surnaturalisme ;
  • peut se concentrer sur les préoccupations réelles, du monde réel ;
  • peut fonder sa morale personnelle sur son humanité, cohérente avec les connaissances scientiques.

Il reste tout de même une infinité d’autres façons de se tromper. Toutefois, en rejetant le surnaturel, l’athée élimine une très importante source d’erreur.

La morale théiste : Euthyphron

La morale théiste est fondée sur la Théorie du commandement divin, la thèse selon laquelle les actes moraux sont ceux commandés par « Dieu ». Mais cette idée a un défaut fatal. Dans le dialogue Euthyphron de Platon, Socrate pose la question suivante :

  1. Le « bien » est-il bien parce que les dieux le commandent, ou
  2. le « bien » est-il bien en soi ?

La première option mine la morale car elle la réduit à un caprice arbitraire des dieux (par exemple, tuez votre fils, tel que Jéhovah aurait commandé à Abraham). La seconde option rend les dieux inutiles, sans pertinence, car la morale précède le commandement divin. Donc, fonder la morale sur la volonté divine s’avère soit pernicieux, soit inutile.

La morale théiste : La volonté de « Dieu »

Fonder la morale sur la volonté de « Dieu » implique trois étapes majeures, chacune insurmontable.

  1. Démontrer que « Dieu » existe…
  2. Démontrer que « Dieu » possède une volonté…
  3. Démontrer que nous pouvons connaître cette volonté…

Pourtant, il n’y a aucune preuve à l’appui du point (1). Le seul raisonnement en faveur de l’existence de « Dieu » qui avait un tant soit peu de plausibilité était l’argument du design, c’est-à-dire la thèse selon laquelle un concepteur serait nécessaire pour expliquer la complexité. Toutefois, cette idée était déjà contestée avant Darwin et elle est complètement discréditée depuis Darwin. Nous savons maintenant que l’évolution explique la complexité de la diversité biologique. Aucun designer n’est requis.

Deuxièmement, le concept même d’un « Dieu » parfait (omniscient, tout-puissant, absolument bienveillant, éternel) qui aurait des désirs et des envies, des volontés donc, est une contradiction en soi. Un monde créé par un tel « Dieu » parfait serait déjà en conformité parfaite avec ses desseins au moment de sa création. Il n’y aurait donc rien à changer, aucune volonté à laquelle obéir. Ainsi, le point (2) est apparemment impossible.

Finalement, même si nous supposons l’existence de « Dieu » et que celui-ci possède une volonté, nous n’avons toujours aucun moyen fiable de connaître cette volonté. Où serait la ligne de communication, la source de l’information ? Ainsi, le point (3) présente, lui aussi, des difficultés énormes.

Nous sommes donc dans l’obligation de conclure que la volonté de « Dieu » ne peut être la base de la morale. Voir les articles suivants :

Athéisme et laïcité

L’athéisme et la laïcité ne sont, bien sûr, pas synonymes, mais ils ont tout de même des liens étroits. Ces deux concepts ne sont pas complètement indépendants l’un de l’autre, comme prétendent plusieurs, y compris beaucoup de militants laïques. Ils partagent un aspect commun important : Ils se fondent, tous les deux, sur la non-reconnaissance de l’autorité divine.

Des considérations humaines, du monde réel, indépendantes de tout critère surnaturel, sont à la base :

  1. de la morale personnelle de l’individu athée, ainsi que
  2. de la legislation et des institutions de l’État laïque.

Athéophobie

L’athéophobie est ce vieux préjugé, bien répandu, qui associe l’athéisme à la dégradation morale. Platon a codifié l’athéophobie dans son Livre X : Contre l’incroyance du dialogue sur Les Lois. Il prône des mesures draconiennes contre les athées, les impies et plusieurs autres catégories d’individus (magiciens, sorciers) qu’il aurait tendance à assimiler aux athées. Selon l’historien Georges Minois (Histoire de l’athéisme, Fayard, 1998), Platon aurait ainsi inventé l’intolérance religieuse, l’inquisition et les camps de concentration.

Les militants laïques doivent dénoncer l’athéophobie car :

  • Elle est infondée.
  • Elle infantilise les croyants religieux.
  • Elle réduit la morale à une autorité parentale ou policière.
  • Elle menace la liberté de conscience.
  • En particulier, les ennemis de la laïcité prônent l’athéophobie par intérêt.

Ce dernier point nous illustre bien l’importance de ne pas prétendre que la laïcité n’aurait rien à voir avec l’athéisme. Nous devons reconnaître ce qu’ils ont en commun — le rejet de l’autorité divine — afin de pouvoir réfuter de façon efficace la thèse athéophobe que la laïcité serait néfaste parce que la religion serait nécessaire pour la morale et pour la gouvernance.

Théonormatisme

Le néologisme théonormatisme a été inventé par le philosophe québécois François Doyon afin d’identifier :

  1. L’attitude qui consiste à considérer que la croyance en « Dieu » ou en une transcendence quelconque serait la norme.
  2. La marginalisation et le dénigrement de l’athéisme, en le qualifiant de religion, niant ainsi la sincerité des athées.

Le théonormatisme se fonde sur le préjugé voulant que les êtres humains ne peuvent vivre sans croyances religieuses. Il est ainsi étroitement lié à l’athéophobie. En effet, je dirais que ces deux attitudes ne sont que deux perspectives, deux approches au même préjugé vieux et sale.

Références

  1. « La volonté de ‘Dieu’ », David Rand
  2. « La volonté de ‘Dieu’, un second regard », David Rand
  3. « The Will of God: Pure Fiction » (en anglais), David Rand
  4. « Les rapports entre athéisme et laïcité », David Rand
  5. « Athéophobie, Un préjugé très ancien et pourtant très actuel », David Rand
  6. « Pour en finir avec le théonormatisme », François Doyon
  7. Dialogue d’Euthyphron, Platon
  8. Livre X : Contre l’incroyance du dialogue sur Les Lois, Platon
  9. Les Philosophes québécois et leur défense des religions, François Doyon

Un commentaire sur “Pourquoi l’athéisme ?
  1. Claes Michou dit :

    Super et un grand merci , mon cher David !

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