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Blogue 081 : La répression s’installe

Publié Par jean.meslier Sur 2017-02-15 @ 11h55 Dans | 9 commentaires

David Rand

2017-02-17, dernière modification 2017-03-02

La tuerie à Québec du 29 janvier a été une triste et importante victoire pour l’obscurantisme religieux. Déjà la liberté d’expression était menacée mais, dans la foulée de cet événement, de nouvelles menaces de répression de cette liberté, surtout la répression de la critique des religions, commencent à se pointer. En voici quelques exemples.

(1) Environ une semaine après la tuerie, des organismes musulmans annoncent leur désir que les gouvernements de tous les paliers fassent la lutte à la soi-disant « islamophobie ». Dans un bref article [1] de La Presse canadienne, nous lisons :

« Le groupe réclame notamment une meilleure formation pour les policiers et une sensibilisation au racisme obligatoire dans les écoles. Il souhaite également que le Parlement déclare le 29 janvier journée nationale du souvenir et de lutte contre l’islamophobie. »

Constatons d’abord l’amalgame entre race et appartenance religieuse, une confusion délibérée et malhonnête que nous avons déjà vue maintes fois dans le passé et qui permet de faire de fausses accusations de « racisme » contre quiconque ose critiquer l’islam ou l’islamisme. Quant à la proposition d’une « journée nationale du souvenir… », pourquoi pas une journée de souvenir et de lutte contre l’islamisme, le 15 janvier, anniversaire de la tuerie de 30 personnes à Ouagadougou, y compris six Québécois, en 2016 ?

Selon la photo publiée avec cette nouvelle [2] sur le site de Radio-Canada, un des participants de cette coalition serait un certain Haroun Bouazzi. J’y reviendrai.

(2) Lors de son discours aux funérailles, tenues à Montréal, de trois des victimes, le maire Denis Coderre a déclaré que cette tuerie était « raciste ». Ah bon ? De quelle race s’agit-il ? Le maire Coderre aurait-il des pouvoirs de télépathie lui permettant de lire ce préjugé dans les pensées de l’auteur du massacre ? Par contre, nous pouvons conclure raisonnablement à partir des circonstances de l’événement qu’il s’agit d’un geste anti-musulman, car cela s’est produit dans une mosquée lors des prières, mais rien ne permet d’y voir un quelconque motif raciste. Vu que toutes les victimes étaient des hommes, pourquoi le maire Coderre n’a-t-il pas dénoncé l’androphobie ? Encore une fois, nous constatons un amalgame gratuit entre race et religion.

(3) À l’émission de Radio-Canada « Tout le monde en parle », diffusée le 5 février 2017, le premier ministre du Québec Philippe Couillard a déclaré ceci :

« Les gens sur les médias sociaux qui envoient des conneries haineuses, vous êtes surveillés. Si vous continuez, vous allez avoir un casier judiciaire et vous l’aurez bien mérité. »

Qui va décider de la démarcation entre propos haineux et légitime critique ? Le Code criminel du Canada intègre une loi contre la propagande haineuse. Couillard semble ignorer que, malgré certains défauts, dont son exception religieuse, la définition du délit établie par les tribunaux est bien plus stricte et nuancée que les « conneries haineuses » auxquelles fait référence Couillard. Au fait, c’est plutôt ce dernier qui dit une « connerie », car son propos ressemble fortement à de l’intimidation et à un appel à la délation, comme l’observe Me Guy Bertrand dans une vidéo [3].

(4) L’essayiste et militante laïque Djemila Benhabib a récemment eu gain de cause lorsque la Cour supérieure du Québec a rejeté l’accusation de diffamation faite contre elle par les Écoles musulmanes de Montréal. Il s’agit d’une victoire pour la liberté d’expression et contre l’obscurantisme religieux. Mais depuis la tuerie de Québec, cette liberté est à nouveau compromise : la Maison de la littérature à Québec a annulé un événement prévu pour le 12 février, où Mme Benhabib devait prendre la parole, sous prétexte que cela offenserait la communauté musulmane. En quoi son discours, qui critique l’islam politique, pourrait-il déranger des musulmans qui ne sont pas de cette tendance radicale ? On pourrait peut-être comprendre si l’événement était reporté pour éviter la période de deuil, mais il s’agit d’une annulation pure et simple, sans report. Voici un extrait des commentaires de Mme Benhabib émis sur Facebook le 9 février :

« Je vois dans cette décision une grave atteinte à la liberté d’expression et une tentative de censurer le débat public. On veut faire de l’islam un impensé. On cherche à placer l’islam au dessus de la critique alors qu’il fait partie du débat public. On veut dissuader la prise de parole. On tente d’installer au sein de la population un climat de peur, de suspicion et de délation… »

(Dernière heure : Nous venons d’apprendre que, à la suite d’une mobilisation publique à l’appui de Djemila Benhabib, l’événement sera peut-être reprogrammé au mois de mai. À confirmer.)

(5) Le 8 février, j’ai assisté à un colloque, tenu à l’Université de Montréal, sur le thème du « racisme systémique », avec une conférence principale donnée par Michèle Sirois, suivie d’une table ronde avec cinq panélistes. Un des panélistes, Jonathan Marleau de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, a répété cette imposture sournoise selon laquelle le débat sur la Charte de la laïcité aurait été une cause de la tuerie.

Le panéliste Haroun Bouazzi (mentionné ci-dessus), qui se prétend laïque, mais qui, en réalité, dirige à peu près toutes ses énergies à dénoncer l’« islamophobie », a fait une très courte intervention consistant principalement en des accusations spécieuses dirigées personnellement contre trois des autres intervenants. Puisque Mme Sirois s’était opposée au projet de loi 62 (qui ouvre la porte toute grande aux accommodements religieux), puisque Léon Ouaknine avait constaté la misogynie extrême de l’islam et puisque Hassan Jamali avait dénoncé le voilement des fillettes, M. Bouazzi les accusait tous les trois de « nourrir le fascisme » ! Après quoi, il s’est sauvé en refusant d’écouter les réponses ou de débattre avec les autres panélistes ou avec le public. On voit ici un comportement diffamatoire et un amalgame odieux entre laïcité et fascisme.

Rappelons que cet Haroun Bouazzi, dans le cadre des auditions au sujet du projet de loi 62, a demandé la suppression de la disposition qui garantit l’égalité homme-femme. De plus, il a proposé la création d’un conseil de lutte contre le « racisme systémique ». Or selon Léon Ouaknine [4], « la notion de racisme systémique au Québec est à l’instar du concept d’islamophobie, une imposture intellectuelle  » ayant pour buts d’« imposer un interdit de penser sous peine d’accusation de racisme » et de « bloquer ainsi la liberté d’expression au titre de lutte contre les discours haineux, en demandant une police des médias sociaux. »

(6) Tout récemment, Charles Taylor a renié l’interdiction des signes religieux [5] pour les fonctionnaires d’État en position d’autorité, interdiction qu’il avait pourtant recommandée en tant que coprésident de la Commission Bouchard-Taylor il y a neuf ans. Son prétexte de cette volte-face très médiatisée est la tuerie à Québec. L’ex-députée Fatima Houda-Pépin critique sévèrement [6] le geste de Taylor, car il relie gratuitement le nécessaire débat sur la laïcité à un événement tragique sans rapport. De plus, elle révèle le fait que Taylor avait déjà renié cette recommandation il y a des années, mais discrètement, bien avant l’événement à Québec.

Conclusion

Force est de constater qu’une vague de répression de la liberté d’expression — surtout la répression de la saine et nécessaire critique des religions, en particulier de l’islam et de l’islamisme — se manifeste et s’installe. Le thème qui se dégage des exemples ci-dessus est la stigmatisation de ceux et celles qui prônent la laïcité ou qui critiquent la religion, en les associant au racisme, aux propos haineux, à l’extrême droite, voire à la violence meurtrière. Il s’agit d’une campagne de salissage contre les défenseurs des valeurs des Lumières.

Dans quelques mois, sera-t-il illégal de publier des propos comme « L’islam s’est répandu par l’épée » ou bien « L’islamisme me fait peur » ?

[7] [8]

Publication imprimé sur Libres penseurs athées: https://www.atheologie.ca

URL de l’article: https://www.atheologie.ca/blogue-081/

URL de cette publication.

[1] un bref article: http://www.lapresse.ca/actualites/dossiers/attentat-a-quebec/201702/08/01-5067453-une-coalition-demande-aux-gouvernements-de-lutter-contre-lislamophobie.php

[2] photo publiée avec cette nouvelle: http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1015632/coalition-musulmans-canada-mesures-lutte-islamophobie-quebec-attaque-mosquee-gouvernement-police

[3] Me Guy Bertrand dans une vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=iHCvWT5e7Dc

[4] selon Léon Ouaknine: http://www.brebisgaleuse.com/2017/02/racisme-systemique-au-quebec-realite-ou.html

[5] Charles Taylor a renié l’interdiction des signes religieux: http://plus.lapresse.ca/screens/36c5c72e-28b9-49df-ba29-514fc56d647a%7CpUtyV30bPPsb.html

[6] Fatima Houda-Pépin critique sévèrement: http://www.journaldemontreal.com/2017/02/15/neutralite-religieuse-de-letat---charles-taylor-et-son-contexte-evolutif

[7] : https://www.facebook.com/sharer/sharer.php?u=https%3A%2F%2Fwww.atheologie.ca%2Fblogue-081%2F

[8] : http://twitter.com/intent/tweet?text=Blogue%20081%C2%A0%3A%20La%20r%C3%A9pression%20s%E2%80%99installe&url=https%3A%2F%2Fwww.atheologie.ca%2Fblogue-081%2F

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