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Blogue 140 : Un athéisme des Lumières

Publié Par jean.meslier Sur 2022-06-21 @ 9h00 Dans | 9 commentaires

Notre athéisme s’inspire des Lumières

David Rand

2022-06-21

Notre association, Libres penseurs athées, a deux buts principaux : défendre les droits des athées et promouvoir la laïcité. Ces buts ne sont pas indépendants l’un de l’autre, car une des fonctions de la laïcité est de protéger la liberté de conscience de toutes et de tous, y compris de celle des athées.

De la même manière, l’athéisme et la laïcité ne sont évidemment pas synonymes l’un de l’autre, mais ne sont pas pour autant indépendants, car les deux partagent tout de même un objectif commun : l’autonomie par rapport à la soi-disant volonté divine, que ce soit pour la morale personnelle (athéisme) ou pour fonder les lois (laïcité).

Cette vision, cette volonté de penser et d’agir librement, libérés du carcan de la tradition religieuse, s’inspire des valeurs des Lumières. Les Lumières ont été un mouvement intellectuel et philosophique qui s’est répandu dans toute l’Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles, un mouvement contre les oppressions religieuses et politiques de l’époque et en faveur des idéaux comme la raison, la science, la tolérance, la liberté, le progrès, l’universalisme, les droits humains et la laïcité. Pris collectivement, on les appelle parfois le modernisme.

Ces valeurs sont celles que défend normalement la gauche politique. Au fait, les termes « gauche » et « droite » au sens politique proviennent de la disposition des sièges à l’Assemblée nationale constituante pendant la Révolution française à partir de 1789. Les députés assis du côté gauche de la chambre étaient en général des sympathisants de la révolution, du républicanisme et de la laïcité, tandis que ceux du côté droit restaient plutôt fidèles à la monarchie, au clergé et aux institutions traditionnelles de l’Ancien régime. La gauche proposait aussi la fin des privilèges associés à ces vieilles institutions et un meilleur partage des ressources économiques du pays. Au XIXe siècle, les héritiers de cette gauche ont fait la critique du capitalisme, proposant au moins des réformes, voire son remplacement.

Aujourd’hui, en poursuivant notre double mandat — l’athéisme et la laïcité —, nos adversaires se rangent dans deux camps principaux. Il y a bien sûr la droite religieuse traditionnelle, comme toujours, celle qui véhicule le vieux mythe, pour ne pas dire le vieux mensonge, de l’impossibilité d’une morale sans croire en dieu. Ce mythe, nous l’appelons parfois l’athéophobie, ce vieux préjugé pernicieux qui associe l’athéisme avec l’immoralité et l’amoralité. Nous connaissons bien cet adversaire, car il est là à promouvoir son obscurantisme depuis des millénaires.

Mais nous avons actuellement un deuxième adversaire, un nouvel opposant, ou du moins qui a l’air nouveau car se drapant de vêtements inhabituels. Il s’agit de cette mouvance connue par le surnom « woke » mais qui devrait plutôt s’appeler la pseudo-gauche anti-Lumières car elle se prétend de gauche mais véhicule des valeurs incompatibles avec celle-ci. Cette mouvance se constitue d’une soupe toxique d’idéologies douteuses comme le relativisme culturel, le postmodernisme, l’intersectionnalité, le néoracisme, le post-marxisme, un décolonialisme naïf, une obsession pour les identités minoritaires, en particulier religieuses, etc. Certaines tendances de cette pseudo-gauche se déclarent même explicitement contre les Lumières, prétendant bizarrement que ces dernières seraient à l’origine de plein de maux comme le racisme, le colonialisme et le suprémacisme blanc. D’autres sont moins explicites mais rejettent tout de même l’universalisme qui est au cœur des idéaux des Lumières.

À l’épicentre de cette mouvance se trouve son néoracisme, fortement inspiré de l’histoire du racisme aux États-Unis et qui colle mal à l’histoire des autres pays (comme le Canada) vers lesquels son idéologie est exportée. Ainsi, elle est obsédée par les « Blancs » et les « Noirs ». Se prétendant antiraciste, elle véhicule le racisme bien plus qu’elle ne s’y oppose. Elle dénigre tout ce qui est « blanc », ce qui implique que tout ce qui est historiquement européen — comme les Lumières — est suspect.

La mouvance « woke » est farouchement anti-laïque. De par son néoracisme, elle essentialise — c’est-à-dire qu’elle racialise — l’appartenance religieuse, ce qui revient à évacuer la liberté de conscience et à rendre chacun prisonnier de sa religion. Son décolonialisme sans nuance sert à rationaliser un préjugé pro-Islam. Supprimer un privilège religieux, s’il s’agit de l’islam, est condamné par cette pseudo-gauche comme une discrimination. Au Canada, son obsession anti-blanche lui permet de nier l’existence du préjugé anti-Québécois qui est un élément incontournable de l’anti-laïcité anglo-canadienne, c’est-à-dire que son anti-colonialisme est sélectif, refusant de reconnaître comment le vieux colonialisme britannique opère encore aujourd’hui contre la laïcité au Québec.

Les origines du « wokisme » sont surtout américaines. Toutefois, une de ces principales composantes est d’origine plutôt française. Ainsi, la pseudo-gauche américaine a gobé et fait sien un des pires produits de la culture française, la philosophie postmoderne, tout en rejetant catégoriquement un de ses plus brillants produits, la laïcité.

Ces deux mouvances, cette droite religieuse classique et cette pseudo-gauche, ont des apparences très différentes. La première est franchement conservatrice, religieuse et réactionnaire, et dans les pays comme le Canada, les États-Unis et les pays européens, elle se réclame du christianisme. La deuxième se prétend progressiste et se targue de défendre les minorités contre les méchants « Blancs » dominants.

Mais derrière cette façade, les deux mouvances se ressemblent énormément. La pseudo-gauche se comporte comme une religion — le terme « parareligion » est proposé pour la décrire — avec son manichéisme dogmatique, sa moraline et son insouciance pour l’objectivité qu’elle hérite du postmodernisme. De plus, elle a une très forte tendance islamolâtre, c’est-à-dire que, sans adhérer à l’islam, elle traite cette religion, ainsi que ses adhérents les plus pieux et les plus intégristes, avec une déférence malsaine et elle rejette la critique de l’islam, voire de l’islamisme, en lançant des accusations spécieuses d’« islamophobie ».

Les deux mouvances — la droite et la pseudo-gauche, attachée respectivement au christianisme et à l’islam — s’opposent donc à la laïcité, prônent la fidélité à l’appartenance religieuse comme une identité sacrée, se foutent de la liberté de conscience, favorisent le privilège religieux et s’opposent à la modeste Loi 21 au Québec.

Nous, Libres penseurs athées, ne sommes ni de gauche, ni de droite, ni au centre dans le sens de prendre parti politiquement. Nous n’appuyons aucun parti politique. Toutefois, notre démarche pour l’athéisme et pour la laïcité s’inscrit dans la meilleure tradition de la gauche, celle qui s’inspire des idéaux des Lumières, celle qui est universaliste, rejetant tous les racismes et tous les obscurantismes, celle qui critique toutes les religions comme le faisait le célèbre curé athée Jean Meslier par exemple, celle qui préconise l’émancipation en outrepassant les appartenances liberticides.


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