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Journée athée mondiale 2019 : Discours de David Rand

Publié Par jean.meslier Sur 2019-03-24 @ 21h36 Dans | 5 commentaires

Discours de David Rand

président, Libres penseurs athées

2019-03-23

Ce texte est la transcription de la présentation de la Journée athée mondiale 2019. Une vidéo de l’événement [1] est également disponible.

Bienvenue tout le monde à notre célébration de la toute première Journée athée mondiale, le 23 mars 2019. Nous, en tant qu’athées, avons grandement besoin d’une journée annuelle pour la reconnaissance de notre athéisme, étant donné le traitement réservé aux athées à travers le monde. Ici au Québec et au Canada notre liberté de conscience est beaucoup mieux protégée que dans la plupart des pays, surtout dans les pays où règne une théocratie dans les lois ou dans les faits. Mais même ici, les droits des athées ne sont pas pleinement reconnus et sont menacés par ces religions qui cherchent à s’imposer politiquement.

Journée athée mondiale, 23 mars

L’idée de cette journée est le fruit de plusieurs associations athées, au sein desquelles on trouve de nombreux ex-Musulmans et ex-Musulmanes. En particulier, l’association Atheist Republic, un réseau mondial d’athées fondé par Armin Navabi d’origine iranienne, et le Council of Ex-Muslims of Britain (CEMB), dont la cheffe Maryam Namazie est aussi d’origine iranienne, participent à ce mouvement pour une Journée athée mondiale. Nous constatons que les ex-Musulmans constituent une force importante pour l’avancement et de l’athéisme et de la laïcité dans le monde. Ceci n’est pas surprenant, étant donné la condamnation de l’apostasie dans l’islam. Cette religion, lorsqu’elle est pratiquée à la lettre, avec rigueur, est tellement contraignante que toute remise en question amène soit une répression brutale, soit une rupture complète.

Les enfants et la religion

Personnellement, j’ai grandi dans une famille chrétienne. Alors on pourrait dire que je suis ex-Chrétien, que je suis un apostat du christianisme, mais ce n’est pas tout à fait vrai. En réalité, je n’ai jamais été véritablement chrétien ; ce sont surtout mes parents et mon milieu familial qui l’étaient, et cette étiquette m’a été collée sans que je la choisisse. Au fait, cette situation est le sort des enfants de croyants en général, peu importe la religion : la religion de leur entourage leur est imposée. Les enfants chrétiens, musulmans, hindous, etc., ça n’existe pas ; il n’y a que des enfants dont les parents sont chrétiens, musulmans, hindous, etc. La religion devrait rester une affaire d’adultes. Endoctriner les enfants en les assimilant à la religion des parents, c’est bafouer leur liberté de conscience, c’est inacceptable. Cette situation doit cesser, mais il y a énormément de travail à faire pour accomplir cette tâche. C’est pour ces raisons que nous, Libres penseurs athées, avons été fiers de nous associer, le 26 janvier dernier, à une journée de protestation contre la religion héréditaire.

Les enfants chrétiens, musulmans, hindous, etc., ça n’existe pas ; il n’y a que des enfants dont les parents sont chrétiens, musulmans, hindous, etc.

Droit à l’incroyance

Il ne faut plus parler de liberté de religion sans mentionner le droit de se libérer de la religion. La liberté de croyance doit être jumelée avec la liberté d’incroyance. Toutes ces libertés sont englobées par la liberté de conscience. Cette dernière inclut aussi la liberté d’apostasie, c’est-à-dire de quitter une religion, de l’abandonner, pour en adopter une autre – ou pour n’en adopter aucune. Nous avons le droit d’être athées.

Athéophobie

La réalité, c’est que ce droit n’est pas entièrement acquis, même dans ce pays. Beaucoup de gens ont peur de l’athéisme. Cette peur irrationnelle, cette absurde antipathie à l’égard de l’athéisme et des athées, s’appelle athéophobie. Je sais, vous êtes probablement bien fatigués d’entendre parler de choses dont le nom se termine en « -phobie ». Ce suffixe implique une peur irrationnelle, injustifiée. Donc l’expression « islamophobie » est une imposture, car il y a d’excellentes raisons d’avoir peur, ou du moins se méfier, d’une religion, et en particulier de l’islam, et surtout de sa variante politique l’islamisme. Mais au contraire, le préjugé anti-athée n’est pas justifiable. C’est effectivement une phobie.

Au sens strict, l’athéophobie est la thèse selon laquelle les athées seraient moralement inférieurs aux croyants religieux ou que l’athéisme mènerait nécessairement à la dégradation morale. Cette thèse, qui se fonde sur la théorie qui identifie la morale à la volonté divine, est évidemment complètement nulle. Notre morale humaine est le fruit de notre évolution biologique et culturelle humaine. Notre morale fait partie de notre patrimoine en tant qu’espèce sociale. Associer ce patrimoine à la croyance en une sorte de policier-papa-dictateur dans le ciel est un énorme mensonge, une imposture éhontée qui se trouve au cœur des dogmes de tout monothéisme comme le christianisme, le judaïsme et l’islam.

Athéisme et morale

La morale de ces monothéismes est donc fondamentalement une perversion de notre morale humaine naturelle. La croyance en dieu rabaisse la morale, réduisant celle-ci à de simples récompenses et punitions provenant d’un cruel tyran au ciel.

La croyance en dieu rabaisse la morale, réduisant celle-ci à de simples récompenses et punitions provenant d’un cruel tyran au ciel.

Les monothéismes instrumentalisent ce patrimoine moral pour se promouvoir. Le monothéisme, c’est le totalitarisme religieux. Au fait, chaque monothéisme est une arnaque, une supercherie qui opère dans le domaine de la morale. Les apologistes de ces religions prétendent posséder une expertise particulière et exclusive en matière de morale, ils se prétendent guidés par leur prétendue connaissance de la volonté de leur dieu, mais cette expertise est complètement fictive et fausse. Ces apologistes, ces chefs religieux, ces prêtres, papes, bonzes, rabbins, imams, etc. sont plutôt incompétents en matière de morale.

La plus grande et la plus nuisible arnaque de ce type sur notre planète, celle possédant le plus grand nombre d’adhérents – c’est le christianisme. La crise actuelle des abus sexuels d’enfants et de religieuses que traverse l’Église catholique est une manifestation de cette incompétence morale. Mais la concurrence est très forte, et l’arnaque religieuse numéro deux – l’islam – le talonne de près. Et ce numéro deux a le vent dans les voiles, enivré comme il est par la complaisance, voire la complicité, de beaucoup de non-Musulmans, en particulier d’une certaine « gauche », une soi-disant « gauche », à l’égard de la variante politique et intégriste de l’islam que nous appelons islamisme. En passant, cette fausse gauche moralisatrice, je la trouve assez crypto-chrétienne.

Vous connaissez sûrement la célèbre citation d’un personnage de Dostoïevsky, « Si Dieu n’existe pas, tout est permis. » C’est faux. C’est le contraire qui est vrai. Si l’on croit en dieu, tout est permis, car il suffit de déclarer son comportement en conformité avec la volonté de dieu, et le tour est joué. Personne ne peut contester cela car personne ne peut vérifier la volonté de dieu, cette volonté étant complètement inconnue, pour ne pas dire fictive et arbitraire.

Il ne faut pas non plus dire que nous, les athées, pouvons être bons sans dieu. C’est comme si on disait que même les femmes peuvent être intelligentes – c’est plutôt insultant. Il faut plutôt dire que même les croyants, malgré leur croyance en un dieu fictif, peuvent être de bonnes personnes, à condition de mettre leur croyance de côté dans la vie de tous les jours, à condition d’écouter leur propre conscience au lieu d’obéir aux arnaqueurs qui prétendent parler au nom de dieu.

Nous, les athées, ne sommes pas parfaits, mais nous avons au moins une folie de moins que les croyants : notre comportement n’est pas perturbé par cette croyance irrationnelle. Lors qu’un athée fait le bien, il ne le fait pas pour gagner une récompense divine ou par crainte d’une punition divine. Il agit sans ce calcul intéressé et selon son propre jugement.

Athéophobie au sens large

Tout à l’heure j’ai parlé de l’athéophobie comme un préjugé qui associe immoralité ou amoralité à l’athéisme. Il s’agit là de la définition au sens strict. Mais il existe aussi une forme plus diffuse de ce préjugé, une athéophobie au sens large, qui considère le militantisme athée comme une menace pour la liberté de croyance des autres. C’est faux. En réalité, c’est davantage les religions qui menacent la liberté de conscience en général, y compris la liberté de croyance. Ce préjugé existe même au sein de plusieurs associations laïques et zététiques (c-à-d. sceptiques) qui cherchent à cacher la présence d’un grand nombre d’athées dans leurs rangs. Cette athéophobie au sens large est une version moderne et recyclée de la version stricte. Elle nuit sensiblement à la lutte pour la laïcité. Car la lutte pour les droits des athées est au cœur de la démarche laïque : nous sommes tous et toutes des athées par rapport aux croyances des autres. Les militants laïques ont le devoir de favoriser la visibilité des athées dans la société afin de protéger la liberté de conscience de tout le monde. Faire le contraire – étouffer ou taire le fait athée – est une atteinte à la raison et à la laïcité.

Car la lutte pour les droits des athées est au cœur de la démarche laïque : nous sommes tous et toutes des athées par rapport aux croyances des autres.

Athéisme et laïcité

Une des excuses utilisées couramment dans le but de justifier cette athéophobie injustifiable est d’exagérer la distinction entre athéisme et laïcité. Évidemment ces deux termes ne sont pas des synonymes, mais il y a tout de même une certaine parenté entre eux, une parenté certaine. Les deux concepts ont en commun le rejet de l’autorité dite « divine », le refus de reconnaître une autorité provenant d’en dehors du monde réel.

Tout comme l’athée base sa morale personnelle sur des considérations purement réelles et humaines, l’État laïque fonctionne selon des considérations semblables. Tandis que l’athée rejette toute considération surnaturelle dans sa vie personnelle, l’État laïque aussi écarte de ses fonctions tout principe surnaturel. Ceci n’implique aucunement que les croyants religieux soient exclus des institutions publiques. Toutefois, ils sont obligés de se limiter à des raisonnements non surnaturels lors des débats législatifs ou administratifs.

Persécution des athées dans plusieurs pays

Mais revenons à la situation des athées actuellement à travers le monde. Selon le rapport de l’IHEU, c’est-à-dire, l’Union internationale humaniste et éthique, sur la liberté de pensée en 2018, les dix pires pays pour les athées et les non religieux sont tous dominés par l’islam. Le pire de tous ces pays est, sans surprise, l’Arabie saoudite, qui classifie l’athéisme et la remise en question de l’islam comme des formes de terrorisme. L’apostasie, c’est-à-dire abandonner la religion islam, est un crime dans une vingtaine de pays à majorité musulmane et passible de la peine de mort dans plusieurs. De plus, des lois anti-blasphème peuvent servir à persécuter les athées, les non-Musulmans et même des Musulmans qui ne se conforment pas suffisamment à l’orthodoxie de la majorité.

Nous constatons que l’islam, lorsqu’il atteint un pouvoir politique, est complètement incompatible avec la liberté de conscience.

Blasphème

Décidément, l’islamophobie est le blasphème du XXIe siècle.

À propos du blasphème, vous êtes sans doute au courant du fait que la loi canadienne qui interdisait le soi-disant « libelle blasphématoire » – soit le paragraphe 296 du Code criminel – a été récemment abrogée. C’est évidemment une excellente nouvelle. Toutefois, nous n’avons pas à fêter trop joyeusement, étant donné que d’autres initiatives récentes viennent créer de nouvelles menaces semblables. Même si la motion M-103 qui condamne la soi-disant islamophobie n’a pas force de loi, elle impose tout de même une chape de plomb sur la critique de l’islam. Encore plus inquiétant est le rapport du comité parlementaire qui a eu le mandat d’étudier cette question. Ce rapport confond allègrement race et religion, ouvrant ainsi la porte grande ouverte aux abus religieux de programmes anti-racistes. Décidément, l’islamophobie est le blasphème du XXIe siècle.

Blasphème, apostasie, athéisme, laïcité

Nous constatons que le titre de la conférence de Mme Benhabib est donc d’une pertinence manifeste pour notre Journée athée mondiale. Sur ce, je passe la parole à mon collègue, Pierre Thibault, qui nous présentera notre conférencière de ce soir.


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