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Blogue 148 : Trump met le cap sur la théocratie
Publié Par jean.meslier Sur 2025-05-12 @ 17h06 Dans | Pas de commentaire
Dans deux déclarations alarmantes faites le jeudi 1er mai 2025, le président américain Donald Trump dirige son régime vers la théocratie. Il a déjà annoncé cette orientation peu après son entrée en fonction, en diffusant un décret exécutif qui établit le White House Faith Office [1] (Bureau de la foi de la Maison-Blanche).
Dans une proclamation datée le 1er mai [2], Trump déclare cette date la « National Day of Prayer » (Journée nationale de prière) 2025. Ce faisant, il suit la décision du congrès du pays, prise en 1988, recommandant au président de désigner ainsi le premier jeudi de mai de chaque année. Mais cette proclamation de Trump va beaucoup plus loin qu’un simple événement d’un jour. Le langage utilisé dans cette proclamation présidentielle ressemble plutôt à celui du sermon d’un prédicateur chrétien. Il déclare que la religion et la foi sont essentielles à l’histoire et aux valeurs des États-Unis d’Amérique. La proclamation remercie « Dieu pour ses bénédictions infinies ». Elle affirme que l’Amérique a été « guidée par la grâce de Dieu Tout-Puissant » tout au long de son histoire et que ses « plus grands dirigeants ont toujours reconnu la nécessité de la foi, de la prière et de la dévotion à Dieu.
Le thème de cette proclamation est la liberté religieuse. Pourtant, elle ne mentionne explicitement qu’une seule et unique religion, la chrétienne. En rapport avec la lutte contre « les biais antireligieux », elle mentionne l’antisémitisme, mais pas le judaïsme explicitement. Mais en réalité, l’antisémitisme est le plus souvent un préjugé ethnoracial plutôt que religieux. La proclamation fait la déclaration très tendancieuse que “la véritable force de l’esprit américain s’est toujours trouvée dans les églises, les chapelles, les bancs d’église, les paroisses et les synagogues, ainsi que dans le cœur et l’âme de nos citoyens croyants ». Cette liste n’inclut ni les temples ni les mosquées. Il n’y a aucune mention de l’islam ni de l’hindouisme, ni des autres religions.
Plus important encore, il n’est fait aucune mention des gens sans religion, ainsi validant implicitement le préjugé très répandu selon lequel toute personne digne de considération doit nécessairement avoir une appartenance religieuse ; que les athées sont irrecevables et l’athéisme inconcevable. Trump déclare qu’il « ne s’arrêtera jamais dans sa défense du droit à la liberté religieuse et dans sa protection de Dieu sur la place publique ». À la lecture d’une telle absurdité prétentieuse, on s’étonne de la contradiction entre la prétendue toute-puissance de « Dieu » et son apparent besoin de protection – une protection assurée par nul autre que Donald Trump !
Mais l’aspect le plus inquiétant de la proclamation de Trump est sans doute son évocation de sa survie à la tentative d’assassinat de 2024 et sa conviction que « Dieu m’a épargné la vie pour une raison ». Cela va au-delà d’une simple arrogance. C’est du fanatisme religieux au service de la mégalomanie.
Trump a fait une deuxième déclaration, « Fact Sheet: President Donald J. Trump Establishes the Religious Liberty Commission [3] », qui annonce la création d’une commission de sauvegarde de la liberté religieuse. Cette déclaration poursuit la lancée religieuse de la proclamation faite la même journée et fait aussi écho à un décret exécutif émis en février [4]. Les trois documents ont un thème commun : lutter contre le « préjugé anti-chrétien ». Un tel préjugé existe dans quelques pays, en particulier dans plusieurs pays à majorité musulmane, mais aux États-Unis, ce « préjugé anti-chrétien » existe principalement dans l’imaginaire fiévreux de ceux qui avancent un programme politique inspiré du christianisme évangélique. Cette commission a pour mandat de « célébrer la diversité religieuse », mais son annonce, comme la proclamation de la Journée nationale de prière, ne mentionne ni les croyants non-chrétiens, ni les incroyants.
Cette commission doit se pencher, entre autres, sur les « droits parentaux en matière d’éducation religieuse et de choix d’école ». Elle doit aussi répondre aux « menaces émergentes à la liberté religieuse » afin de défendre les droits garantis par le Premier amendement de la Constitution des É.-U. [5] Rappelons que cet amendement ne proclame pas la séparation entre religion et État, comme certains le prétendent à tort, mais interdit seulement l’établissement d’une religion d’État. Il n’impose pas non plus de limite au « libre exercice » de la religion, facilitant ainsi son interprétation pro-religieuse par Trump.
L’annonce de cette commission condamne les politiques qui « empêchent les parents d’envoyer leurs enfants dans des écoles religieuses, menacent le financement et le statut à but non lucratif des entités confessionnelles et excluent les groupes religieux des programmes gouvernementaux ». Elle réaffirme également l’engagement de Trump à garantir « l’égalité d’accès au financement des institutions religieuses ». Cela signifie que de l’argent des contribuables sera consacré à des écoles religieuses et à des programmes religieux. Il s’agit d’un manifeste contre la séparation fiscale entre religion et État.
Les opposants politiques de Trump, au Parti démocrate, sont loin d’être irréprochables dans cette affaire. Le soutien des Démocrates à la pseudoscience du genre et aux programmes ÉDI a sans doute coûté à ce parti les voix de nombreux Américains inquiets qui ont fini par voter pour Trump, qui lui avait promis de résoudre ces problèmes. De plus, l’échec de diverses administrations universitaires à prendre des mesures décisives pour endiguer la vague d’activités antisémites — déguisées en « antisionisme » — a valu à Trump des soutiens supplémentaires. En effet, l’annonce de création de cette commission mentionne explicitement cette question, affirmant que l’administration Trump s’engage à « combattre l’explosion de l’antisémitisme sur nos campus et dans nos rues depuis le 7 octobre 2023 ».
La revue britannique The Economist nous rappelle que, en vertu de son rejet de l’idéologie du genre, l’administration Trump a la science de son côté [6]. Cette administration a demandé au département Health and Human Services (Santé et services sociaux) un rapport qui s’est avéré « étonnamment rigoureux » et comparable au rapport Cass en Angleterre [7], tant en termes de qualité que de conclusions. D’autre part, l’opposition de Trump aux programmes ÉDI [8] (Équité, Diversité, Inclusion) est raisonnable – ou du moins le serait, s’il ne s’agissait pas d’une réaction si excessive et brutale —, vu le manque de preuves de l’efficacité de ses programmes dans la réduction du racisme [9], ainsi que l’irrationalité des idéologies sur lesquelles repose ces programmes [10].
Ainsi, les échecs intellectuels et éthiques du Parti démocrate ont sérieusement miné sa crédibilité et renforcé la position de Trump et de ses collaborateurs MAGA. Grâce à l’ineptie des Démocrates, l’administration Trump peut désormais prétendre de manière crédible protéger les droits des femmes et des enfants et lutter contre le racisme, en particulier contre l’antisémitisme. Les deux principaux partis politiques aux É.-U. ont un parti-pris pro-religieux : les Républicains sont favorables au christianisme, les Démocrates à l’islam.
Cette habitude de Trump à régner par décret exécutif est inquiétante en soi, car elle dévoile ses tendances autocratiques. Mais pis encore, ces deux déclarations du 1er mai constituent un manifeste en faveur de la théocratie et contre la laïcité. Bien que peu surprenants, ces développements sont profondément alarmants.
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[1] White House Faith Office: https://www.atheologie.ca/2025-02-07-trump-establishes-faith-office/
[2] proclamation datée le 1er mai: https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/05/national-day-of-prayer-2025/
[3] Fact Sheet: President Donald J. Trump Establishes the Religious Liberty Commission: https://www.whitehouse.gov/fact-sheets/2025/05/fact-sheet-president-donald-j-trump-establishes-the-religious-liberty-commission/
[4] décret exécutif émis en février: https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/02/eradicating-anti-christian-bias/
[5] Premier amendement de la Constitution des É.-U.: https://www.usconstitution.net/xconst_Am1.html
[6] son rejet de l’idéologie du genre, l’administration Trump a la science de son côté: https://www.atheologie.ca/blogue-146/
[7] rapport Cass en Angleterre: https://www.economist.com/britain/2024/04/10/the-cass-review-damns-englands-youth-gender-services
[8] l’opposition de Trump aux programmes ÉDI: https://www.atheologie.ca/blogue-147/
[9] manque de preuves de l’efficacité de ses programmes dans la réduction du racisme: https://www.persuasion.community/p/dei-must-change
[10] irrationalité des idéologies sur lesquelles repose ces programmes: https://www.persuasion.community/p/the-five-dogmas-of-dei
[11] : https://www.facebook.com/sharer/sharer.php?u=https%3A%2F%2Fwww.atheologie.ca%2Fblogue-148%2F
[12] : http://twitter.com/intent/tweet?text=Blogue%20148%C2%A0%3A%20Trump%20met%20le%20cap%20sur%20la%20th%C3%A9ocratie&url=https%3A%2F%2Fwww.atheologie.ca%2Fblogue-148%2F
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