Blogue 025 : Le Vatican, entre fumée et fumisterie

Jaque Parisien

Passer à côté du plus récent conclave, suite à la démission du pape Benoît XVI, eut été impossible même si vous aviez décidé de bouder la télévision. En effet, les médias de toutes sortes, télé, journaux, radio, blogues et j’en passe, ont relayé les « informations » et ont fait preuve d’un sensationnalisme aberrant : les ondes en étaient saturées. Saturées, dis-je ? Non, sursaturées serait plus près de la réalité. Je sais que nos amis et amies sur les réseaux sociaux n’ont pu s’empêcher de commenter et critiquer le tapage médiatique précédant l’élection du tout nouveau pape Jorge Mario Bergoglio, avec raison, même si à leur insu ils participaient à l’enflure, quand dans le fond une indifférence de bon aloi eut été préférable. Pour tout dire, j’ai remarqué la ressemblance frappante entre ce conclave, la couverture médiatique boursouflée et Star académie. Je ne suis certainement pas le seul à avoir fait ce rapprochement chez nous. Vous me pardonnerez donc ce blogue mi-figue mi-raisin, car non seulement les médias doivent-ils être critiqués, mais l’avènement du nouveau pape suscite déjà sa part de « dénonciations » et de perplexité.

Tout d’abord, les ondes transmettaient les plus menus détails concernant les « candidats » et, chez nous, nous n’en avions que pour Mgr Ouellet. Pour tout dire, mon énervement n’aura jamais atteint de tels sommets, de tels pics. Nous nous sommes donc retrouvés, bien malgré nous, en présence de plusieurs candidats à la papauté et, selon l’origine de chacun, les partisans se sont mis à échanger sur les chances de leur représentant local. Un peu plus et nous avions droit de vote, via les chaînes populaires pour ne pas dire populistes. Il était d’autant plus frappant de voir les cardinaux entourés de paparazzis, les uns répondant aux questions, les autres les fuyant et d’autres encore suivant leur bonhomme de chemin, la tête haute, comme autant de « princes » peu préoccupés par le brouhaha de la populace. Puis, bien entendu, chaque candidat a su performer selon ses talents : chaque cardinal donnait sa messe et de ce fait offrait une prestation que les micros et caméras n’ont pas manqué de nous retransmettre, du moins en partie. Ici, au Québec, on nous aura même servi un article complet sur une patinoire où Mgr Ouellet se serait cassé un bras, comme si cette anecdote avait une importance quelconque, ferait vibrer nos racines partisanes. Du jour au lendemain, c’était comme si tous les médias du monde occidental avaient conclu un marché et, par le fait même, avaient sciemment ignoré d’autres nouvelles plus importantes pour nous gaver de la leur ad nauseam : ils s’étaient concentrés sur l’arbre pour nous cacher la forêt qui l’abrite. Bref, la scène médiatique frisait le délire et les fidèles haletaient d’anticipation et de dévotion, tout suspendus qu’ils étaient à la couleur de la fumée émanant de la cheminée vaticane. Comme écran de fumée, on ne fait pas mieux. Enfin, le nouveau pape a été élu et on n’aurait pu croire que ce calvaire tirait à sa fin, mais c’était faire fi du prix à payer quand d’un seul coup vous remportez l’oscar papal, vous devenez LA vedette.

La cheminée n’avait pas eu le temps de refroidir que déjà on fouillait le passé du nouvel élu divin. Plusieurs articles font déjà état d’une complicité probable du nouveau pape avec les autorités dictatoriales de Buenos Aires1. On pourrait donc déjà avancer « qu’il n’y a pas de fumée sans feu ». Or, la complicité entre l’Église et l’État, par le passé, est connue. Toute entreprise flairant la bonne affaire, qu’elle soit marchande, politique ou religieuse, pactisera avec le diable s’il le faut dans le but de maintenir son emprise sur les masses et s’enrichir. Et ne me dites pas qu’il y a des exceptions, tous en conviennent. Mais des exceptions confirment souvent la règle. Quant à la souplesse ou l’ouverture du pape face aux non-croyants, agnostiques ou athées, j’ai bien peur qu’il faille attendre un nouveau prince de l’Église car celui-ci aurait déjà sa petite idée sur le sujet, sur « l’importance de poursuivre la lutte contre l’athéisme2 ». En effet, il ne se gêne pas pour nous ressasser la chute aux enfers provoquée par l’athéisme, avatars capitalistes et marxistes compris, de par son absence de fondement moral, comme si le monopole de toute pensée morale ou éthique relevait strictement de la foi religieuse.

Enfin, dans la source citée plus haut, j’ai été encore une fois frappé par l’obscurantisme tapi sous des déclarations en faveur d’un changement. De toute évidence, pour Jorge Mario Bergoglio, reculer pour mieux avancer ne recèle aucune contradiction. Ce qui est d’autant plus énervant cette fois-ci c’est que tous les conservateurs de ce monde n’hésitent pas à proposer le « retour aux sources » comme une voie de changement, de progrès. Je suis toujours franchement consterné que l’on puisse adhérer à une telle proposition, je cite : « progress through the return to the sources3 » (« avance mediante el retorno a las fuentes »). Faisons fi du progrès, aussi ténu soit-il, et cultivons l’obéissance et la fidélité aux traditions, ritournelle maintes fois entendue et drôlement dangereuse si ses sirènes parviennent à ensorceler les foules, à preuve l’histoire de national socialisme du vingtième siècle et de ses notoires cheminées, bien à lui.

Entre fumée et fumisterie, la différence est parfois bien difficile à cerner.

Références

  1. « Le nouveau pape François 1er : un ami de la dictature argentine »
  2. Principes de l’Universidad del Salvador (en anglais), Buenos Aires, Argentine,
    Document signé Jorge Mario Bergoglio S. J., 1974 (version originale espagnole)
  3. Ibid.

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