Blogue 060 : Mariage gai et discours haineux, partie II

Suite et fin de la partie I

Partie II: Législation contre le discours haineux au Canada

David Rand

Étant donné le danger d’abus inhérent à la législation contre la propagande haineuse, il est évidemment important que cette législation soit la plus juste et la plus raisonnable possible. La loi canadienne a le mérite de distinguer les appels au génocide des discours haineux moins sérieux, et elle prévoit des peines plus sévères pour les premiers. Toutefois, cette loi a au moins un défaut majeur : son exception religieuse. En effet, §319 spécifie une liste de plusieurs « Défenses » pour lesquelles il y a impunité : en particulier, §319(3)(b) déclare que « Nul ne peut être déclaré coupable » s’« il a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit, ou a tenté d’en établir le bien-fondé par argument ». C’est-à-dire que, un discours haineux motivé par la religion ne peut apparemment pas être l’objet de poursuite. Ainsi, même au Canada, les énoncés discutés ci-dessus ne seraient pas passibles de poursuites puisqu’ils se fondent sur la croyance religieuse, exception faite possiblement de l’appel du pasteur à tuer les gais, car son propos serait un appel au génocide.

Cette exception religieuse dans la loi canadienne contre la propagande haineuse est particulièrement inquiétante étant donné que les discours haineux sont très souvent motivés par la religion. Au fait, de toutes les causes, la religion est possiblement la motivation la plus importante de discours haineux.

Cette exception religieuse dans la loi canadienne contre la propagande haineuse est particulièrement inquiétante étant donné que les discours haineux sont très souvent motivés par la religion. Au fait, de toutes les causes, la religion est possiblement la motivation la plus importante de discours haineux. Pensons à la misogynie et à l’homophobie activement préconisées par au moins les tendances intégristes des trois monothéismes, le judaïsme, le christianisme et l’islam, ainsi que par d’autres religions. Considérons les intégristes islamistes qui vilipendent et persécutent les femmes qui refusent de porter le voile. Rappelons les passages des écrits « saints » tels que la bible et le coran qui justifient l’esclavage. Considérons la diabolisation, motivée par la religion, des athées, des apostats, des dissidents et des adhérents de religions concurrentes.

Maintenant, considérons le Parti Libéral du Québec (PLQ) et la législation qu’il vient de proposer : le projet de loi 59 ayant pour but « la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence ». D’abord, la bonne nouvelle : après une lecture rapide du texte de cette loi, je n’ai trouvé aucune exception religieuse. Si elle est adoptée, pourrions-nous envisager la possibilité de porter plainte dans le but d’interdire la distribution de toute bible incluant le Lévitique puisque ce livre constitue du discours haineux contre les homosexuels ? Par la même occasion, serait-il possible de porter plainte également au niveau fédéral, dans le même but, notre argumentation se basant sur le fait que le Lévitique constitue un appel au génocide (étant donné que seul l’article 319 comporte l’exception religieuse, tandis que §318 qui interdit les appels au génocide n’en contient pas) ?

Toutefois, il y a de très mauvaises nouvelles aussi : le projet de loi 59 comporte des dispositions permettant à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) de lancer une enquête sur des propos supposément haineux, dont la cible serait un des groupes identifiés parmi les motifs des discrimination interdits, sans qu’une plainte soit déposée, c’est-à-dire, de l’initiative de la Commission elle-même. De plus, la CDPDJ aurait la possibilité de supprimer par ordonnance l’expression des propos supposément haineux pendant l’enquête, avant que celle-ci soit complétée ! Ces pouvoirs semblent plutôt draconiens, et susceptible d’un emploi abusif.

Si nous consultons le plan d’action contre la « radicalisation » (La radicalisation au Québec : agir, prévenir, détecter et vivre ensemble) que le gouvernement Couillard a déposé en même temps que son projet de loi 59, nous n’y trouvons rien de rassurant. Le plan ne fait rien contre le problème de la rhétorique islamiste qui nourrit le djihadisme. Il ne mentionne pas le fondamentalisme, mais l’« islamophobie » par contre est mentionnée plusieurs fois en lien avec le racisme comme si cette « phobie » était la cause primaire du discours haineux. Il est évident que les auteurs du plan sont obsédés par cette « islamophobie » et la confondent avec le racisme, ce qui est irrationnel car l’islam est une religion, non pas une race. On peut très légitimement s’inquiéter de la nature dangereuse d’une religion sans pour autant avoir des préjugés contre une ethnie particulière. En effet il apparaît que, pour les auteurs dudit document, la cause essentielle de la radicalisation serait le « préjugé » en général et l’« islamophobie » en particulier, tandis que le plan ne mentionne même pas la cause évidente, c’est-à-dire cette idéologie extrémiste politico-religieuse, l’islamisme. Cette vision est complètement à l’envers : si un préjugé anti-musulmans existe, il est le résultat du radicalisme islamiste bien plus la cause de cette dernière.

Le gouvernement Couillard se soucie-t-il véritablement du problème des discours haineux, si en effet ce problème existe, ou bien se soucie-t-il davantage de recueiller des votes en courtisant les islamistes — qui voudraient nous faire croire qu’il représentent les musulmans en général — et les nombreux multiculturalistes qui sont les dupes des ces islamistes ? Jetez un œil sur ce graphique de crimes haineux déclarés par la police au Canada en 2012 et en 2013, les données compilées par Statistique Canada. Selon ces données, les noirs, les juifs et les gais sont les cibles de crimes haineux bien plus souvent que les musulmans. Rappelons aussi que, pendant la controverse autour de la Charte de la laïcité proposée par le PQ, les islamistes et multiculturalistes se sont eux-mêmes livrés à une sorte de propagande haineuse contre les partisans de la laïcité en faisant des accusations ridicules de racisme, de xénophobie et d’intolérance tandis que, dans la réalité, nous ne proposions qu’une fonction publique libérée d’ingérence religieuse. De toute évidence, le PLQ se fout royalement de tout cela ; au contaire, il s’est fait élire en instrumentalisant cette mentalité !

Le projet de loi 59 est liberticide, car cette loi correspondrait à peu près à la criminalisation du blasphème au niveau provincial… Cette législation pourrait servir à censurer la critique des religions…

Le projet de loi 59 est liberticide, car cette loi correspondrait à peu près à la criminalisation du blasphème au niveau provincial (tandis que ce qu’il faudrait, c’est l’abrogation de la loi fédérale anti-blasphème). Cette législation pourrait servir à censurer la critique des religions en général et son but, si nous pouvons en juger de par le plan d’action qui l’accompagne, serait de supprimer la critique de l’islam en particulier.

Pour conclure, les homophobes chrétiens qui lamentent la récente décision de la Cour suprême des États-Unis légalisant le mariage gai, ainsi que les islamistes qui voit l’« islamophobie » partout et s’en lamentent, ont un comportement semblable : ils sont comme des enfants gâtés qui s’acharnent à vouloir maintenir un privilège religieux existant — une définition restreinte du marriage — ou à gagner un nouveau privilège religieux, celui de pouvoir inonder les espaces publics, y compris les institutions de l’État, de symboles ostentatoires de leur idéologie. Les deux gangs cherchent à « posséder » leur cible pour ainsi dire. Les deux cherchent aussi à tromper le public en faisant tout cela au nom de la « liberté religieuse » tandis que dans les faits il s’agit d’un privilège convoité.

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