Blogue 103 : Les propositions laïques de la CAQ bien reçues au Québec

David Rand

2018-10-31

Presque tout de suite après l’élection, le premier octobre dernier, du nouveau gouvernement majoritaire de la CAQ (Coalition Avenir Québec), son chef, François Legault, et d’autres porte-parole du parti ont annoncé leur intention de mettre en place leur progamme pour la laïcité dans les plus brefs délais. Cette détermination à régler, ou du moins commencer a régler, ce dossier difficile a été reçue par la population, y compris par beaucoup qui n’ont pas voté pour de parti, comme une bouffée d’air frais inattendue. Une vague d’espoir s’est répandue sur le Québec, surtout l’espoir que la CAQ tienne ses promesses et ne recule pas devant l’opposition anti-laïque féroce et malhonnête qui n’a pas tardé à se manifester, déversant son fiel sur la CAQ, tout comme elle l’a fait contre le Parti Québecois et sa Charte de la laïcité en 2013-2014.

Ce qui est proposé

Or, quel est ce programme laïque de la CAQ ? Quoi exactement proposent-t-ils ? Voici un bilan, tiré d’une lettre de la CAQ, adressée au MLQ (Mouvement laïque québécois) et répondant à la demande que lui avait faite le MLQ. (Nous remercions Mme Lucie Jobin, présidente du MLQ, d’avoir partagé cette lettre avec nous.)

Dans cette lettre du 11 septembre 2018, durant la campagne électorale, la CAQ s’est engagée à :

  1. abroger la loi 62 adoptée par le gouvernement libérale précedent ;
  2. s’assurer que les services de l’État soient donnés et reçus à visage découvert, sans exception religieuse ;
  3. inscrire explicitement dans la loi que l’État québécois est laïque ;
  4. ne pas écarter le recours à la clause dérogatoire si nécessaire pour assurer le respect et l’application immédiate de la loi ;
  5. interdire le port de tout signe religieux pour les employés de l’État en position d’autorité coercitive, comprenant les juges, les procureurs, la police et les gardiens de prison ;
  6. interdire le port de tout signe religieux par les enseignants — car se sont des figures d’autorité — dans les écoles publiques de niveaux primaire et secondaire ;
  7. réformer le programme ÉCR (Éthique et culture religieuse) pour répondre aux critiques du volet « culture religieuse » de ce programme qui ne présente aucun sens critique à l’égard des religions et qui occulte presque complètement les athées et les autres incroyants.

La lettre de la CAQ précise bien qu’« aucun membre du personnel de l’État ne pourra porter un niqab, un tchador ou une burqa dans l’exercice de ses fonctions. Aucune exception ne sera accordée, sous aucun prétexte. »

Le bon grain

Nous, les athées, les pro-laïques, devons appuyer la CAQ dans la mesure où elle tienne bon et ne lâche pas devant l’opposition…

Toutes ces mesures sont excellentes, sauf possiblement la dernière qui demeure plutôt vague. Le PQ avait promis, pendant la campagne, de supprimer carrément le volet « culture religieuse » d’ÉCR, ce qui serait préférable, car ce volet n’est que de l’endoctrinement en relativisme culturel et n’est pas réformable.

Le numéro (2) viendrait combler les lacunes de la loi 62 du PLQ, abrogée en (1).

L’intention de recourir à la clause dérogatoire (4) est particulièrement heureuse, car elle témoigne de la détermination et du sérieux de ce nouveau gouvernement.

Le point (5) rejoint les recommendations de la Commission Bouchard-Taylor tandis que le (6) les dépasse, heureusement, car il est important que les enfants ne subissent pas l’influence religieuse qu’entraînerait un signe religieux porté par un(e) enseignant(e), qui est un modèle pour eux. Malheureusement le personnel des Centres de la petite enfance (CPE) n’est pas inclus. D’ailleurs, il serait préférable que la prohibition s’étende à tout le personnel de l’État, mais ce que propose la CAQ est un bon début.

Et l’ivraie

Le programme de la CAQ ne mentionne pas l’Assemblée nationale et Legault a déclaré que le crucifix au Salon bleu va y rester. Sa prétention que ce crucifix constitue du « patrimoine » est absurde. Ce crucifix doit partir, évidemment, mais cela ne suffit pas. Il faudrait aussi que la loi sur l’Assemblée nationale soit amendée afin d’interdire tous les signes religieux, de toute religion, et sur les installations de la législature, et portés par les député(e)s.

Les propositions de la CAQ ne vont malheureusement pas aussi loin que la Charte de la laïcité proposée par le PQ il y a cinq ans. Il faut le répéter : la prohibition de signes religieux devrait s’appliquer à toute la fonction publique.

Dans les deux cas — le PQ en 2013 et la CAQ aujourd’hui — les propositions ont le défaut de ne pas adresser la question des avantages fiscaux dont jouissent les institutions religions. En particulier, il faudrait couper toute subvention publique aux écoles privées, dont beaucoup ont une vocation religieuse.

Hypocrisie

Évidemment, les anti-laïques ont tout de suite sauté sur la question du crucifix pour accuser le gouvernement — ou l’ensemble des Québécois — d’hypocrisie. Pour bien voir de l’hypocrisie, ces anti-laïques n’ont qu’à se regarder dans un miroir, car ils sont dans une contradiction très semblable à celle de la CAQ. La CAQ interdirait les signes religieux portés par les fonctionnaires mais laisserait un tel signe accroché au mur dans un endroit névralgique. Les anti-laïques exigent que le crucifix disparaisse, mais laisserait les fonctionnaires porter n’importe quoi. Les deux ont tort. La seule solution cohérente est d’interdire les signes religieux, et sur les installations, et porté par le personnel des institutions de l’État. Au fait, les signes portés par des fonctionnaires sont sans doute pires, car ces signes ont une signification plus vive lorsque c’est un agent actif de l’État, et non une installation inanimée, qui l’affiche.

Si ce nouveau gouvernement promettait d’enlever le crucifix — ce qu’il devrait faire, bien sûr —, nous pouvons être certains que les anti-laïques trouveraient une autre excuse pour le vitupérer. N’importe quelle imperfection feraient l’affaire, tandis que, eux, ne proposent que le statu quo.

Nous, les athées, les pro-laïques, devons appuyer la CAQ dans la mesure où elle tienne bon et ne lâche pas devant l’opposition, tout en la poussant à aller un peu plus loin, surtout en ce qui concerne l’Assemblée nationale et les CPE. Mais si, par contre, elle commençait à tergiverser ou à atermoyer — en excluant les enseignants par exemple, ou en accordant des exceptions —, ce serait le moment de penser à peut-être retirer notre appui.

Un commentaire sur “Blogue 103 : Les propositions laïques de la CAQ bien reçues au Québec
  1. Pierre Thibault dit :

    Je pense que les étudiants ne devraient pas avoir le droit non plus de porter des signes religieux ostentatoires dans les institutions d’enseignement. De plus, l’interdiction de porter ces signes devraient s’étendre au milieu de l’entreprise.

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