Jérôme BLANCHET-GRAVEL (directeur)
Éditions Dialogue Nord-Sud, Montréal, 2016
Recension par David Rand
L’ouvrage collectif « L’ISLAMOPHOBIE » est un projet franco-québécois, sous la direction de Jérôme Blanchet-Gravel, avec une préface de Waleed Al-husseini et des textes d’une dizaine d’auteurs sur le thème de la soi-disant islamophobie, ce terme hautement controversé, si chers aux islamistes et à leurs alliés objectifs, les partisans du multiculturalisme (c’est-à-dire le communautarisme). Ce petit volume s’avère une référence incontournable en la matière, une source essentielle d’informations concernant les origines, usages et implications de ce terme — ou plutôt de cette supercherie, car l’utilisation de ce mot « islamophobie » est généralement une imposture, comme nous l’expliquent très bien les auteurs de cet ouvrage.
D’entrée de jeu, Waleed Al-hussieni, français d’origine palestinienne et auteur des œuvres Blasphémateur ! Les prisons d’allah (Grasset et Fasquelle, 2015) et Une trahison française, Les collaborationnistes de l’islam radical dévoilés (Ring, 2017), nous élucide dans sa préface le discours hypocrite de ceux qu’il nomme les « anti-racistes auto-proclamés » :
Certains partisans du différentialisme, qui font partie du paysage médiatique nous considèrent, nous les Arabes, comme des citoyens à part, obligés de subir l’oppression de prédicateurs islamistes. […] L’universalisme de la France et sa laïcité permettent l’égalité en droits et en devoirs de tous les citoyens. Il reste bien évidemment des progrès à faire en matière de lutte antiraciste sur le plan de l’accès au logement et à l’emploi, et dans des consciences collectives où certains préjugés demeurent. Ces progrès ne se réaliseront pas en assignant les Arabes à leur religion présumée, en faisant de l’islam un dogme incritiquable, et en traitant d’“islamophobes” les vrais antiracistes.
Waleed Al-husseini, Préface
Dans son avant-propos, le directeur de l’ouvrage, Jérôme Blanchet-Gravel, nous explique que cette notion d’« islamophobie » est devenue un outil politique des islamistes « visant la destruction des démocraties occidentales », instrumentalisée pour « censurer toute critique de l’islam », pour « empêcher toute réforme ou toute modernisation de cette religion. » et pour « compromettre l’intégration des personnes de culture musulmane dans les pays occidentaux ».
Selon Isabelle Kersimon, les « zélateurs du concept d’islamophobie » cherchent à engendrer le conflit entre non-musulmans et musulmans et à empêcher que ces derniers se rallient « à l’ordre de la République, à ses valeurs d’emancipation universelle et à son socle laïque tout en produisant la société multiculturaliste dont ils rêvent. »
À la suite de ses recherches méticuleuses, Claude Simard nous révèle les origines du fumeux terme « islamophobie ». Selon lui, ce terme a vu le jour au commencement du XXe siècle et était « limité à la langue d’administrateurs coloniaux ou d’artistes orientalistes » pour décrire « un préjugé défavorable chez les peuples européens chrétiens à l’époque coloniale contre l’islam et les populations musulmanes considérées comme inférieures et hostiles ». Mais, le concept est tombé en désuétude durant une soixantaine d’années, pour enfin être « recréé » pour ainsi dire, dans les années 1990, et utilisé de plus en plus souvent par des islamistes et par des intellectuels et politiciens favorables au multiculturalisme. Il n’y aurait apparemment pas de continuité entre les usages, c’est-à-dire entre les deux périodes.
Selon Hassan Jamali :
La notion d’islamophobie existe dans le seul but de restreindre la liberté d’expression et faire peur à ceux qui défendent la laïcité et osent se prononcer contre les accommodements religieux. Les adeptes de la victimisation de l’islamophobie ont multiplié les interventions en Occident (y compris au Québec) et même au sein de l’ONU pour que des lois et des résolutions interdisant le blasphème et le discours haineux envers les religions soient approuvées.
Hassan Jamali, « Islamophobie : une arme pour contrer toute réforme de l’islam »
Il considère que
Le but des islamistes est d’isoler les musulmans, les empêcher de s’intégrer aux valeurs démocratiques et laïques et de se servir d’eux pour contrer toute critique de l’islam. L’islamophobie est le slogan par excellence qui sert à intimider tous ceux qui critiquent le dogme islamique pour enfermer les musulmans — et en particulier les femmes musulmanes chargées seules à signaler la présence de l’islam dans l’espace public — dans un esprit communautariste faisant fuir la société d’accueil.
Hassan Jamali, « Islamophobie : une arme pour contrer toute réforme de l’islam »
Éric Debroise, pour sa part, nous explique que « l’islamophobie comme racisme est conceptuellement erronée » et nous rappelle que, malgré le jeu de victimisation que jouent les islamistes, les statistiques nous révèlent que ce sont surtout les Noirs, les Juifs et les minorités sexuelles qui sont victimes de crime haineux au Canada, bien plus que les musulmans. Force est de conclure que « l’islamophobie vampirise le débat sur le racisme et les discriminations au point d’occulter toutes les autres minorités. »
Jérôme Blanchet-Gravel, dans sa contribution personnelle à cet ouvrage, nous explique le faux parallèle que font plusieurs entre l’antisémitisme nazi au XXe siècle et un sentiment antimusulman actuel.
Persuadés que l’Occident ne peut être que fondamentalement raciste et intolérant, les adeptes de cette vision étroite de l’histoire créent d’abord une équivalence entre racisme et islamophobie, ensuite entre antisémitisme et islamophobie — équivalence qui s’accompagne généralement de la dénonciation obsessionnelle d’une extrême droite à laquelle souscrirait silencieusement la « majorité silencieuse de souche ». Nous verrons également que ce fantasme d’un Occident éternellement fasciste comporte une certaine affinité avec les théories du complet. En conclusion, nous constaterons que le concept de l’islamophobie est un outil de falsification de l’histoire destiné à nier l’émergence d’un tout autre fascisme : l’islamisme.
[…]
En refusant d’admettre que les sociétés occidentales se sont fortement éloignées de darwinisme social qui a tristement marqué le XIXe et le XXe siècle, on perpétue le mythe d’un Occident raciste par essence, incapable de toute évolution et tourné vers le passé, et ce, alors que l’histoire est faite de rebondissements et que l’islamophobie ne peut être considérée comme la suite logique de l’antisémitisme.
[…]
Il est intéressant d’observer à quel point les promoteurs du concept d’islamophobie occultent la montée d’un fascisme beaucoup plus manifeste : l’islamisme. Effectivement, partout dans le monde, la montée en puissance des groupes islamistes — affiliés ou non à l’État islamique — devrait inquiéter davantage ses chercheurs qui font du fascisme une véritable obsession. La réalité d’un islamofascisme est si criante actuellement qui nous pouvons nous demander comment cette sociologie productrice d’ignorance parvient à faire autant d’adeptes.
Jérôme Blanchet-Gravel, « L’islamophobie et l’angoisse de la Shoah »
Caroline Fourest et Fiammetta Venner nous décrivent les parallèles
entre les stratégies discursives des intégristes chrétiens et musulmans lorsqu’il s’agit de dénoncer ceux qui les critiquent ou blasphèment. Dans les deux cas, des leaders communautaires ont compris l’intérêt de passer d’une posture offensive et dominante (l’inquisition anti-blasphème) à la posture victimaire et antiraciste : dénoncer ces adversaires comme « christianophobes » ou « islamophobes ».
Caroline Fourest et Fiammetta Venner, « La sonorité intégriste du terme islamophobie »
Elles nous expliquent que le mot islamophobie, cette « arme d’intimidation massive » est souvent utilisé comme synonyme de blasphème. Son usage est tout à fait inapproprié dans le contexte du préjugé antimusulman.
Annie-Ève Collin, pour sa part, insiste sur la nature non essentielle de l’appartenance religieuse : « la religion n’est pas une caractéristique intrinsèque, contrairement à la couleur ou au sexe. » Donc, il serait absurde de prétendre que, en s’opposant au voile, on s’en prend à tous les musulmans. Avec une telle attitude, on stéréotype les musulmans en les associant « à une pratique traditionnelle qu’ils n’endossent pas tous. »
De plus, son interprétation du mot « croyance » est générique, c’est-à-dire que les croyances se répartissent en trois catégories : les vraies (connaissances), les fausses et celles dont la vérité ou la fausseté demeure discutable. Il s’ensuit que, débattre des croyances est tout à fait normal et légitime :
On peut convaincre quelqu’un de changer de croyances (du moins tenter de le faire) en lui présentant de nouvelles preuves. Cela n’est pas de l’intolérance, encore moins du racisme. Qui prétendrait que suggérer un article sur l’inefficacité de l’homéopathie à une personne qui y a recours est de l’intolérance ou du racisme ? […] pourquoi chercher à convaincre des musulmans qu’il y a des failles dans leur religion serait-il de l’intolérance, du racisme ou de l’islamophobie ? Il en va de même pour n’importe quelle religion.
Annie-Ève Collin, « Pour le respect des personnes et la libre critique des croyances »
Il ne faut pas « assimiler la critique des croyances au rejet des personnes ». Le mot « islamophobie » sert justement à semer cette confusion en intimidant « ceux et celles qui exercent leur droit de critiquer des croyances ».
Pour Renart Léveillé, la notion d’« islamophobie » est elle-même une espèce de croyance infondée car « elle relève au minimum de l’idéologie et de la déformation de la réalité. » Il dénonce l’imposture de mettre sur un pied d’égalité « des gestes haineux commis contre des personnes musulmanes » et « les critiques légitimes des intellectuels et des associations laïques opposées à l’islamisme. », une stratégie employée par les adeptes de la soi-disant « laïcité ouverte » pour se donner une « position vertueuse dans de débat en diabolisant les partisans d’une laïcité (sans adjectif) plus républicaine, et ce, avec l’aide de l’accusation d’islamophobie. »
Tout citoyen a le droit d’avoir rationnellement peur de la religion musulmane et d’expliquer ouvertement pourquoi. Conséquemment, l’accusation d’islamophobie agit exactement là où la limite légale concernant les propos haineux n’est pas outrepassée.
[…] l’utilisation de la notion d’« islamophobie » devrait être idéalement bannie du vocabulaire [… et] considérée comme une imposture intellectuelle. […] L’utilisation du concept d’islamophobie est l’arme du relativisme culturel qui place de force dans la catégorie du sacré et d’intouchable ce qui devrait pouvoir être discuté et analysé, soit les problématiques liées à la diversité culturelle et religieuse dans les pays occidentaux. Surtout, il faut qu’un jour l’islamophobie devienne un mauvais souvenir du passé.
Renart Léveillé, « L’islamophobie : entre superstition et réalité »
Finalement, Alban Ketelbuters clôt cet ouvrage en rappelant que le but des accusations d’islamophobie est « de culpabiliser et de museler celles et ceux qui dénoncent et incriminent les manifestations contemporaines du fondamentalisme musulman ou le dogme islamique ». Au fond, ces accusations équivalent à une « réhabilitation insidieuse du délit de blasphème. » et constituent « une entreprise sectaire et réactionnaire ». Il dénonce le silence du mouvement LGBT face à l’homophobie des intégristes musulmans. Comment peut-on « se contenter de vilipender l’intégrisme catholique, et afficher un tel silence face à la montée en puissance à l’échelle du globe d’un islam totalitaire. » En se taisant ainsi, ce mouvement abandonne à leur sort les gais et lesbiennes de culture ou de confession musulmane.
Cette problématique ne se limite pas aux minorités sexuelles. En effet, en faisant de l’appartenance religieuse une caractéristique essentielle incritiquable, « ne compliquons-nous pas la tâche de celles et ceux, innombrables, qui tentent péniblement de s’affranchir des pressions religieuses de leur environnement immédiat, social ou familial ? »
Un régime démocratique ne peut pas à la fois garantir la liberté des cultes et empêcher la critique de ces mêmes cultes. Respecter les croyants est une chose, respecter les croyances en est une autre. Les tenants de la lutte contre l’islamophobie entendent précisément gommer cette frontière subtile permettant de distinguer les fidèles d’une part, et le dogme religieux d’autre part.
Alban Ketelbuters, « Le mythe de l’islamophobie »
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