Blogue 067 : Ni complaisance ni paranoïa

David Rand

2015-12-21

Qu’ont en commun Donald Trump et Justin Trudeau ? Les deux sont incapables de reconnaître que les musulmans, comme la plupart des groupes, manifestent une grande diversité et présentent une large gamme de caractéristiques. Les deux, Trump et Trudeau, voient les musulmans comme un groupe homogène.

Selon Donald Trump, tous les musulmans sont dangereux et il les traite en parias, comme s’ils appartenaient tous à la frange des fous extrémistes djihadistes. Dans une déclaration faite le 7 décembre dernier, Trump a proposé de fermer les frontières des États-Unis à tout musulman, qu’il soit immigrant ou simple visiteur. Dans la panoplie des candidats du parti républicain à la présidence américaine, où à peu près tous apparaissent comme des arriérés, Trump a dorénavant l’air d’être le plus abruti parmi même cet ensemble de minables, au point où plusieurs entre eux ont dénoncé cette déclaration.

Des accusations de xénophobie, voire de fascisme, sont décidément à l’ordre du jour. Néanmoins un certain scepticisme s’impose aussi. Ibrahim Hooper, directeur du Council on American-Islamic Relations (CAIR) ou Conseil sur les relations américano-islamiques a déclaré que nous abordons maintenant le domaine du fascisme, mais Hooper est mal placé pour faire de telles accusations étant donné que le CAIR aurait apparemment lui-même des liens avec des organismes douteux aux allures plutôt fascistes.

Des comparaisons entre la façon dont Trump voit les musulmans d’une part, et les agissements des nazis à l’égard des Juifs de l’autre, ne tiennent pas la route. Les cibles de l’opprobre de Trump sont les adhérents à la religion musulmane, tandis que les nazis ciblaient la « race » juive, non pas la religion judaïque. Trump réagit aux actes violents d’un petit nombre de djihadistes musulmans—et à un nombre plus grand de musulmans qui sympathisent apparemment avec les extrémistes. Ainsi, sa réaction se fonde sur la peur du terrorisme religieux, tandis que l’antipathie anti-juive des nazis reposait d’abord et avant tout sur des considérations économiques. D’ailleurs, les nazis et leur fanatisme anti-juif trouvaient un appui enthousiaste chez plusieurs intégristes islamistes, en particulier Mohammed Amin al-Husseini, Grand Mufti de Jérusalem à l’époque.

Effectivement, Donald Trump est un clown populiste d’extrême-droite et sans scrupules, et sans doute un fasciste. Mais le nazisme a moins d’affinités avec Trump lui-même qu’avec les extrémistes totalitaires qui suscitent sa réaction exagérée.

Justin Trudeau, par contre, agit sans inquiétude aucune, comme si l’islam était anodin, comme si la frange extrémiste de cette religion n’existait pas. Avant la récente élection fédérale, ses visites à plusieurs mosquées, associées à des tendances conservatrices islamistes prônant la charia, ont suscité un certain émoi. À la mosquée de Brossard, il a rencontré Samer Majzoub, directeur du Forum musulman canadien (FMC). Comme le CAIR, le FMC a l’habitude d’employer, avec une fréquence alarmante, des accusations d’« islamophobie » afin d’intimider les critiques de l’islam. En règle générale, l’utilisation de ce terme sous forme d’accusation se fait soit par les apologistes de l’islamofascisme, soit par les dupes de celui-ci. Dans sa circonscription de Papineau, Trudeau a visité la mosquée Al Sunnah Al-Nabawiah qui fait la promotion d’une interprétation wahhabite de l’islam.

Une fois élu, Trudeau a presque immédiatement rempli une de ses promesses électorales en retirant les avions de chasse canadiens du conflit contre Daesh. Il a maintenu cette décision même après les événements horrifiques de 13 novembre à Paris, quelques semaines à peine après les élections. Mais la Syrie en 2015 n’est pas le Vietnam en 1970. Les invasions de pays du Moyen-Orient motivées par une maladroite politique étrangère anglo-américaine n’ont pas créé l’islamisme. Au contraire, ces invasions ont déstabilisé la région, ouvrant ainsi une boîte de Pandore et libérant ce monstre préexistant que nous appelons islamisme. Abandonner la lutte maintenant ne rétablira pas la situation qui prévalait avant les invasions. Il est trop tard pour fermer la boîte.

Donald Trump pratique la paranoïa ; Justin Trudeau la complaisance. Les deux sont très utiles pour les islamistes. Le projet de Trump de persécuter les musulmans permettra aux extrémistes et leurs sympathisants de continuer à jouer les victimes avec impunité, comme si toutes les peurs étaient irrationnelles. La complaisance de Trudeau est une porte grand ouverte, permettant aux extrémistes d’entrer avec tous les autres musulmans, comme s’ils ne posaient aucun danger. Que ce soit intentionnel ou par naïveté, Trudeau se montre bien aimable à l’égard de plusieurs intégristes très douteux. Les deux, Trump et Trudeau, chacun à sa manière particulière, facilitent le projet djihadiste.

Chacun d’eux, Trump et Trudeau, mène l’avant-garde de l’anti-laïcité dans son pays respectif. Bien que personnellement Trump ne soit pas particulièrement religieux, Trump est porte-parole des fondamentalistes chrétiens d’extrême droite dont l’hostilité à l’égard des musulmans se fonde sur la concurrence religieuse, c’est-à-dire la bigoterie, indépendamment de toute menace terroriste que peut représenter un petit nombre de musulmans (ainsi qu’un petit nombre de chrétiens !). Trudeau, pour sa part, est un parangon du multiculturalisme, une idéologie qui, selon Kenan Malik dans son article The Failure of Multiculturalism (« L’échec du multiculturalisme ») paru dans la revue Foreign Affairs (mars/avril 2015), cherche à établir des ponts entre l’État et les communautés ethnoreligieuses en se servant d’organisations communautaires et des dirigeants de celles-ci comme intermédiaires. Au lieu de parler aux musulmans en tant que citoyens, les politiciens multiculturalistes supposent que les gens s’attachent davantage à leur religion ou à leur communauté ethnique, plutôt qu’à leur citoyenneté. Ainsi, les gouvernements sous-traitent leurs responsabilités politiques aux dirigeants des communautés, mais malheureusement ces dirigeants en sont rarement de bons représentants.

Dans une lettre très amicale adressée au FMC en date du 29 novembre 2013, au lendemain du banquet annuel du Forum, Trudeau, venant d’assister à ce banquet, s’exprime en tant que chef du Parti libéral du Canada et dénonce la soi-disant Charte des valeurs du gouvernement québécois. Ainsi, il condamne explicitement une des plus progressistes législations laïques jamais proposées au pays. Selon la lettre, la Charte divisait les Québécois sous « le faux prétexte de vouloir rendre l’État plus laïc » avec le résultat que « nous observons une montée inquiétante de l’intolérance envers les minorités visibles. » Trudeau utilise ici précisément le même discours malhonnête que les islamistes qui ont lutté contre cette législation.

Donald Trump et Justin Trudeau ont tort tous les deux. Les musulmans ne constituent pas un groupe monolithique. Une telle vision trahit un manque flagrant de discernement et nous met tous en danger. Les musulmans varient énormément : à un pôle, des extrémistes djihadistes ; à l’autre pôle, des réformateurs laïques en voie de devenir ex-musulmans. Entre ces deux extrêmes nous trouvons des intégristes non violents, des musulmans pratiquants mais « modérés », des non-pratiquants, etc. Que ce soit aux États-Unis ou au Canada, nous avons besoin de chefs politiques capables de discerner les différences et d’agir en conséquence.

Il ne faut pas faire de la paranoïa et discriminer sur la base de la croyance—comme fait Trump—mais nous devons également discriminer sur la base des comportements—ce que Trudeau se complaît à ne pas faire. La question du niqab est un exemple d’une situation où notre société peut agir afin de rejeter les excès de l’intégrisme—en interdisant les couvre-visage lors des cérémonies officielles et dans la fonction publique—sans cibler des individus. Ainsi, nous limitons le comportement extrémiste sans discriminer sur la base de la religion. Les seuls individus touchés par de telles restrictions sont ceux et celles qui choisissent délibérément d’afficher de façon ostentatoire des aspects des plus rétrogrades et dangereux de la tradition à laquelle ils ou elles prétendent adhérer.

Il faut relever le défi des réfugiés en équilibrant de façon appropriée notre compassion pour ceux et celles qui cherchent asile et une saine attention aux questions de sécurité. Souhaitons la bienvenue aux réfugiés mais pas aux idéologies extrémistes. Étant donné l’intention du gouvernement canadien d’accueillir un important nombre de réfugiés syriens, et dans un laps de temps relativement court, il existe un réel danger que quelques djihadistes s’infiltrent parmi eux. Pour nos préoccupations de sécurité pouvons-nous honnêtement nous fier à un gouvernement qui ne trouve même pas le courage de prendre la mesure minimale d’interdire cet étendard de la misogynie islamofasciste, le niqab, lors de cérémonies de citoyenneté ?

Il y a beaucoup de musulmans et d’ex-musulmans qui ont quitté leur pays natif dans le but d’éviter la répression théocratique, afin de vivre dans une société plus libre, plus ouverte et plus laïque. Ils seraient bien contents de laisser derrière eux des pratiques archaïques telles la ségrégation des sexes. Ils n’ont surtout pas besoin que nous facilitions le maintien de l’arriération motivée par la religion en prenant les intégristes pour des représentants de l’ensemble de la « communauté » musulmane.

Aux États-Unis, le plus sérieux empêchement à la laïcité est l’emprise de la droite politique chrétienne, dont le plus important représentant est le Parti républicain. Au Canada la situation est différente : le plus important empêchement à la laïcité pour nous est cette vache sacrée, le multiculturalisme. Que le multiculturalisme canadien mène au relativisme culturel est peu dire. Dans la pratique, il est devenu à la mode de privilégier les religions non chrétiennes, surtout l’islam. Si le niqab toléré par Trudeau était un accoutrement chrétien, et si Trudeau faisait campagne dans des églises aussi à l’extrême-droite que les mosquées qu’il a visitées, alors il serait peu probable qu’il soit aujourd’hui premier ministre. Tant que nous, les Canadiens, négligerons de nous opposer à l’intégrisme musulman avec la même vigueur que nous manifestons à l’égard du fondamentalisme chrétien, alors nous aurons de graves ennuis.

Épilogue

Au moment où je complétais la rédaction de ce blogue, j’ai entendu une nouvelle inquiétante qui confirme mon estimation la plus négative possible de Trudeau en tant qu’ennemi de la laïcité. Lors d’une récente entrevue pour la revue torontoise Maclean’s, Trudeau diffame tous les partisans de la Charte de laïcité proposée par le précédent gouvernement québécois—y compris la majorité des Québécois eux-mêmes—en déclarant que les restrictions sur les signes religieux stipulées dans cette Charte seraient équivalentes aux récents propos xenophobes de Donald Trump au sujet des musulmans. Selon la rhétorique simpliste de Trudeau, les deux se résument à une “politique de la peur” et de la “division”. Ainsi, Trudeau répand la peur de la laïcité, une peur irrationnelle qui divise. À l’image des intégristes islamistes et d’autres qui l’ont systématiquement utilisée afin de vilipender tous ceux et toutes celles qui désirent poursuivre le processus, entamé il y a un demi-siècle, de limitation de l’ingérence religieuse au sein de l’État québécois.

2 commentaires sur “Blogue 067 : Ni complaisance ni paranoïa
  1. Louis Fernand dit :

    Bonjour,
    Votre analyse concernant les musulmans et tout aussi fausse que celle de Trudeau lorsque vous parlez de frange des musulmans (25% ce n’est plus une frange…) ou d’islamistes. Pouvez vous déterminer la différence entre musulman et islamiste ?
    En classant l’islam dans la catégorie des religions, c’est à mon avis une erreur supplémentaire. L’islam est avant tout un outil politique à but totalitaire qui en privant le peuple des ses libertés avance inexorablement depuis 1400 ans. Le terrorisme est indissociable à l’islam comme le sont le totalitarisme, l’impérialisme, l’ignorance, la violence faites aux femmes et aux minorités non musulmanes.

    • David Rand dit :

      Déterminer la différence entre musulman et islamiste ? Ce n’est pas toujours facile. Mais apparemment vous n’avez aucune difficulté à le faire. Vous avez même un chiffre précis : 25%.
      Oui, l’islam est « un outil politique à but totalitaire » mais c’est aussi une religion. L’un n’exclut pas l’autre. Le christianisme et le judaïsme, des précurseurs de l’islam, sont aussi des idéologies politiques totalitaires.

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