Blogue 078 : Projet de loi 62 privilégie les religions, au mépris de la neutralité religieuse

Le texte suivant est notre présentation verbale lors de notre passage, le 8 novembre 2016, devant la Commission des institutions de l’Assemblée nationale, à Québec, dans le cadre des auditions publiques sur le projet de loi n° 62. Vous pouvez aussi consulter notre mémoire à ce sujet, ainsi que le texte du projet de loi lui-même, intitulé Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes.

2016-11-08

Si la vidéo ne s’affiche pas correctement ci-dessus, vous pouvez la visionner sur le site de l’Assemblée nationale.
La vidéo comporte la présentation (10 minutes) telle que transcrite sur cette page, suivie d’une période de questions-réponses d’une durée d’une demi-heure environ.

Monsieur le président, Madame la ministre, mesdames et messieurs les députés,

Nous vous remercions de nous donner l’occasion de présenter notre point de vue sur ce Projet de loi 62.

Je me présente, David Rand, président de Libres penseurs athées, une association de défense des droits des athées, qui prône le matérialisme philosophique, la pensée critique et la laïcité. Je suis accompagné de mes collègues Pierre Thibault et Pierre-André Renaud, tous deux membres du Conseil d’administration de notre association.

Vous avez sans doute pris connaissance de notre mémoire. Nous, Libres penseurs athées, nous opposons à l’adoption du Projet de loi 62 car il ne traite que de la neutralité religieuse de l’État, comprise dans le sens d’accorder des privilèges égaux à chacune des religions. Nous, par contre, prônons la laïcité d’État, ce qui implique que cet État ne doit accorder de privilèges à aucune religion et ne doit en favoriser aucune. Au fait, le Projet de loi 62 n’arrive même pas à atteindre son but déclaré de neutralité. Nous demandons donc au gouvernement de le retirer.

Mais avant de préciser nos objections, nous voudrions expliquer rapidement notre façon d’aborder les religions et, ensuite, la position que l’État devrait adopter face au phénomène religieux.

Nous sommes athées. Notre philosophie est matérialiste. Nous rejetons ainsi toute croyance en des agents et phénomènes surnaturels comme les dieux, les démons et ainsi de suite. Nous considérons que de telles croyances sont non seulement fausses, mais nuisibles, car elles éloignent le croyant de la réalité. Pire encore, les monothéismes pervertissent dangereusement la morale humaine, cette morale qui est notre patrimoine, produit de notre évolution biologique et culturelle en tant qu’espèce sociale, en attribuant cette morale à une hypothétique autorité parentale tyrannique dans le ciel. Les porte-paroles des ces monothéismes — judaïsme, le christianisme et l’islam, pour les nommer en ordre historique — se prétendent experts en matière de morale, mais ils sont des charlatans car leur soi-disant expertise est complètement nulle et infondée.

Nous nous opposons donc à tout accommodement pour des motifs religieux dans les services public, comme nous nous opposerions à un accommodement accordé pour des motifs astrologiques, par exemple. Si la demande n’est pas justifiée par des besoins réels et objectifs — par exemple un handicap physique ou une question d’hygiène ou de santé —, alors elle est irrecevable.

Nous sommes d’avis que la religion est une affaire de la vie privée. Les affichages ostentatoires d’appartenance religieuse peuvent être tolérés en public, mais seulement en dehors des institutions publiques. Nous nous opposons donc aux signes religieux dans la fonction publique, qu’ils soient affichés dans les lieux physiques — comme le crucifix au salon bleu de l’Assemblée nationale — ou portés par les fonctionnaires en service.

Nous prônons la laïcité afin de protéger la liberté de conscience de tous, incluant la liberté de religion et la liberté de s’affranchir de la religion. Les religions sont les plus dangereuses lorsqu’elle s’ingèrent dans les affaires d’État et détiennent ainsi un pouvoir politique. Les tenants d’une religion affichent et portent des signes de leur religion pour la même raison que les commerces font de la publicité : pour faire connaître et vendre leur produit, pour augmenter le nombre de clients ou d’adeptes. Ce genre de prosélytisme, c’est-à-dire de propagande, est inacceptable chez les fonctionnaires de l’État.

De plus, nous considérons que la religion est une affaire d’adulte et nous nous opposons à l’endoctrinement religieux des enfants.

Les athées constituent une importante minorité dont le nombre est en croissance constante. Les gens sans religion, c’est-à-dire les athées, les autres incroyants et les gens sans appartenance religieuse, constituent une minorité encore plus importante, au fait la plus importante en matière religieuse. Toutefois, nous sommes discriminés par toute mesure qui privilégie les religions, en particulier par la permission du port de signes religieux et par les accommodements religieux. Vous verrez rarement un athée manifester ostensiblement, par sa tenue vestimentaire, par exemple, ce qu’il pense des religions lorsqu’il est au service de l’État. Il considère son incroyance comme relevant du domaine privé et il s’impose un devoir de réserve à cet égard. Nous exigeons la même réserve de la part des croyants et nous demandons à l’État de légiférer dans ce sens.

De plus, les athées sont la cible d’un préjugé vieux de plusieurs millénaires, l’athéophobie, selon lequel les athées n’auraient pas de morale, une superstition qui s’appuie sur l’imposture selon laquelle les théismes possèderaient le monopole de la morale. Le volet « culture religieuse » du programme Éthique et culture religieuse est un exemple d’athéophobie implicite, car ce programme néglige presque complètement les incroyants et même les croyants non pratiquants, comme si l’éthique était impossible sans religion.

Des trois religions monothéistes, l’islam mérite une attention particulière puisqu’une variante hautement politisée et extrêmement virulente, l’islamisme, sévit actuellement et fait des ravages. Ces ravages ne sont pas que physiques. Cette idéologie fait aussi des dégâts au niveau des idées et des symboles, ayant une influence très négative sur la liberté d’expression et sur les débats politique. L’islamisme mène actuellement une campagne de prosélytisme identitaire à l’échelle planétaire dans le but d’imposer ses valeurs et, pour ce faire, un de ses outils de choix est le voile islamiste sous toutes ses formes. Le voile intégral en particulier constitue un avilissement de la femme, ce qui est justement une des valeurs ainsi véhiculées. Un autre de ses outils préféré est l’utilisation d’accusations spécieuses d’islamophobie dans le but de censurer toute critique légitime de l’islam et de son cousin totalitaire, l’islamisme.

Or, face à tous ces défis, le Projet de loi 62 s’avère non seulement inutile, mais encore pire : il ouvre l’État à l’ingérence religieuse. Il ne définit pas la « neutralité religieuse de l’État » et ne mentionne ni la séparation entre État et religions, ni la laïcité. La vision qui y est présentée s’apparente davantage au multiconfessionalisme qu’à la neutralité.

Les signes religieux permis par le projet de loi constituent une manifestation de l’appartenance religieuse et une forme de prosélytisme aussi nuisible que l’affichage d’opinions politiques partisanes. De plus, le projet de loi permet des accommodements, c’est-à-dire des privilèges sur la base de l’appartenance religieuse, accordés à certains croyants au détriment des athées, des autres incroyants et des croyants plus modernistes ou non pratiquants. Cette situation va directement à l’encontre de la neutralité religieuse.

Le Projet de loi 62 institutionnalise les privilèges religieux en expliquant comment faire exception aux règles, déjà faibles (se limitant à peu près à interdire les couvre-visage), qui y sont stipulées. Mais de tels privilèges, de tels accommodements, ne peuvent se justifier qu’en faisant une fausse équivalence entre les pratiques religieuses et les obligations objectives. Au fait, une pratique religieuse, par exemple le fait de porter un vêtement identitaire en tout temps, n’est jamais une obligation réelle. Au contraire, si le croyant l’exerce volontairement, il s’agit d’un choix libre, tandis que s’il y est forcé, alors il s’agit d’une atteinte à sa liberté de conscience, une pression indue exercée par certains éléments à tendance intégriste dans son milieu familial ou communautaire.

Donc, permettre la pratique ne fait que valider cette atteinte à la liberté. Si par contre la pratique est interdite dans la fonction publique, cela crée un espace libre, un espace laïque, un espace où cette pression injuste est inopérante. Quant à la personne qui adopte cette pratique volontairement, sa liberté de religion n’est nullement compromise car elle peut toujours pratiquer sa religion en dehors de son lieu de travail.

Le Projet de loi 62 se situe bien en deçà de la Commission Bouchard-Taylor qui au moins recommandait la prohibition des signes religieux chez les agents de l’État en position d’autorité. Pire encore, il néglige le milieu primordial des écoles et des services de garde des enfants. Les enfants étant particulièrement sensibles aux messages que peuvent véhiculer les vêtements et les symboles, ne pas se préoccuper des signes religieux dans ce milieu relève de la négligence.

Pour conclure, le Projet de loi 62 est totalement inadéquat. Une législation si mal conçue est pire qu’une absence de législation, car cette loi entérinerait des privilèges religieux et elle nuirait grandement à la neutralité religieuse qu’elle prétend, faussement, promouvoir.

Dans notre mémoire nous identifions un certain nombres de mesures que nous considérons nécessaires afin de poursuivre la laïcisation de l’État québécois, un processus déjà en cours depuis plus d’un demi-siècle. Mais l’effet du Projet de loi 62 serait de bloquer brutalement cette évolution. La priorité immédiate, donc, c’est de retirer ce Projet.

5 commentaires sur “Blogue 078 : Projet de loi 62 privilégie les religions, au mépris de la neutralité religieuse
  1. Tabexsist dit :

    La loi 62 est un piège qui va créer un grave précédant. Vous allez avoir dans peu de temps des revendications du type : salles de prière dans les lieux de travail, la halalisation des cantines et pourquoi pas des policières en hidjab… Le pire est avenir.

  2. Serge Trottier dit :

    Notre problème humain est mondial. Les gouvernements en majorité font les lois des plus en plus pour diviser les populations en espérant que ces habitants fassent comme dans le passé des siècles et des siècles le déclenchement de guerres civiles. Si nous étions intelligents nous ferions nos lois. Faire nos lois pour nous donnez un paradis. Être différent des politiciens. Qui eux ne font que des guerres…

  3. Andréa Richard dit :

    NON AUX RELIGIONS DANS NOS ÉCOLES. C’est pourquoi une pétition a été mise en ligne par Jean-François Lisée, à l’Assemblée Nationale et elle a été signée par plus de 4200 personnes. Nous n’avons plus que jusqu’au 30 novembre pour aller signer cette pétition sur le site de l’assemblée nationale du Québec :

    POUR LE BIEN DE NOS ENFANTS ET DE NOS JEUNES, PÉTITION A SIGNER

    Pour signer la pétition: Retrait du volet « culture religieuse » du cours Éthique et culture religieuse, cliquez sur ce lien ou copiez-le dans votre fureteur

    https://www.assnat.qc.ca/…/petition/Petition-6309/index.html


    envoyez-la à vos contacts!
    MERCI À VOUS.
    «il ne reste que trois semaines pour aller signer…

    Andréa RICHARD

    P.S. Pour ceux qui ne sont pas convaincus; lire le livre: LA FACE CACHÉE DU COURS ECR.; ED.LÉMÉAC

    Afficher la suite

    Pétition : Retrait du volet « culture religieuse » du cours Éthique et culture religieuse – Assemblée nationale du Québec
    CONSIDÉRANT QUE le cours Éthique et culture religieuse (ÉCR), qui se devait d’être donné avec une optique historique, voire critique, est en fait une véritable promotion des religions allant à l’encontre de son objectif premier de non-confessionnalité et de laïcité;
    assnat.qc.ca

  4. Gilles Desabrais dit :

    Je suis athée parce que je suis principalement une personne réelle vivant et évoluant dans un monde réelle. Aucun Dieu, esprit ou au phénomène spirituel n’a jamais existé sur la terre sauf dans l’esprit d’hommes malade désireux de posséder le cerveau d’autres humains à des fins personnels ou commerciales. Nous devons regarder les religions comme nous regardons un sport, par exemple, ou comme nous pratiquons une activité qui nous tient vraiment à cœur et au cours de laquelle nous ressentons une grande satisfaction physique autant que spirituelle. Ces activités se pratiquent dans des endroits aménagés à ces effets et peuvent engager des dépenses exorbitantes sans compensations ni déductions sur l’impôt ou autre.
    Premièrement, étant donné que les religions se servent à rien d’autre qu’à laisser croire aux gens que Dieu existe en présentant des histoires abracadabrantes tellement invraisemblables que personne et aucun ecclésiastique ne peut expliquer d’une façon crédible. La création du monde par un extraterrestre il y a 5,880 ans est une supercherie invraisemblable car les humains existent depuis des millions d’années. La venue de Jésus Christ a été méticuleusement planifiée par les grands prêtres Juifs. Et le coran est une copie que Mahomet s’est procuré par des transactions monétaires ou par chantage ou par extorsions lesquelles étaient échangés dans une grotte appelé héra.
    Tous les bâtiments religieux doivent être taxés à leur juste valeur marchande ce qui apporterait plus de quatre vingt milliard dans les coffres de l’état. La ville de Montréal deviendrait plus riche de cinq milliard annuellement. Les gouvernement doivent cesser les exemptions d’impôt et les subventions que les citoyens doivent supporter sans cesse malgré la non utilisation des services religieux. Ce ne sont pas des bâtiment publiques et je ne désire aucunement m’y réfugier même en cas de guerre. J’ai des centaines de raisons de réfuter les religions et elles sont toutes recevables.

  5. Claude Leclair dit :

    Le principe de ne pas taxer les immeubles de culte ou servant à la propagation des religions devraient êtres imposés comme tous les immeubles associatifs ou commerciaux. L’état est laïc et la religion est une affaire privée. L’état n’a pas à subventionner ce qui est du ressort privé.

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