Manifeste pour l’universalisme

David Rand & Pierre Marchand, au nom de Libres penseurs athées

Adopté par LPA lors de son Assemblée générale annuelle le 2022-10-29


Nous nous inspirons des Lumières

Notre athéisme s’inspire des valeurs des Lumières et s’inscrit dans le sillon de celles-ci. Les Lumières ont été un mouvement intellectuel et philosophique qui s’est répandu dans toute l’Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles, un mouvement contre les oppressions religieuses et politiques de l’époque et en faveur des idéaux comme la raison, la science, la tolérance, la liberté, le progrès, l’universalisme, les droits humains et la laïcité. Pris collectivement, on les appelle parfois le modernisme.

Ces idées ont mené à l’abolition de l’esclavage, à la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de 1789 et ultimement à la « Déclaration universelle des droits de l’homme » de 1948 par l’ONU. Les idéaux des Lumières sont au cœur des valeurs qui sont normalement associées à la gauche politique. Contrairement à la droite, la gauche préconise aussi le partage de la richesse plutôt que la concentration chez des exploiteurs héréditaires ou autres oligarques, partage qui se manifeste en particulier par des mesures sociales.

Ce patrimoine des Lumières est évident dans la déclaration de principes de Libres penseurs athées, c’est-à-dire notre Manifeste athée, par exemple dans le passage suivant :

« Nous valorisons la raison, la pensée critique, la science, le savoir et l’avancement matériel, intellectuel et moral de l’humanité. »

Ce Manifeste exprime notre opposition à l’obscurantisme véhiculé par les religions et à toute forme de superstition. Cette réflexion est tout à fait dans l’esprit des Lumières. Dans Qu’est-ce que les lumières ? (1784), le philosophe Kant résume ainsi cet esprit :

« Sapere aude, aie le courage de te servir de ta propre intelligence ! voilà donc la devise des lumières. »


Nous nous opposons à la droite religieuse

Nous nous opposons donc aux traditions qui cherchent à cantonner les êtres humains dans des tribus, des races, des groupes ethniques, des « communautés » religieuses. Ces traditions anti-Lumières sont normalement associées à la droite politique, surtout la droite religieuse. Celle-ci comprend les islamistes, les chrétiens évangélistes, les hindous intégristes, enfin tout intégriste ou extrémiste de quelque religion que ce soit.

Au contraire, nous valorisons l’universalisme, c’est-à-dire ce qui nous unit comme humains, ce que nous avons tous et toutes en commun, peu importe nos appartenances particulières. Nous sommes donc antiracistes. De plus, si par « féminisme » nous entendons « l’égalité (politique, économique, culturelle, sociale et juridique) entre les femmes et les hommes » (Wikipédia), alors nous sommes aussi féministes et en faisons activement la promotion.


Nous nous opposons à la mouvance dite « woke »

Nous nous opposons aussi à cette autre mouvance anti-Lumières, relativement récente, qui se prétend de gauche, mais qui, comme la droite, essaie de cantonner tout le monde dans des identités particulières. Cette mouvance porte plusieurs noms : « gauche régressive », « gauche diversitaire », « pseudo-gauche anti-Lumières », « post-gauche », etc., mais est depuis quelques années connue sous l’épithète « woke ». Malgré ses prétentions, elle n’est pas de gauche car elle a abandonné les idéaux des Lumières qui constituent la définition même de ce qu’est la gauche politique.

Cette mouvance « woke » a une forte obsession particulière pour les questions de race et de racisme. Elle se prétend antiraciste, mais, de par cette obsession racialiste et à force de voir le racisme partout, sans discernement, elle attise le racisme bien plus qu’elle ne le combat. Cette mouvance dénonce le colonialisme européen, d’une époque où l’homme blanc se prétendait supérieur à tous et sauveur de la civilisation. Très bien. Mais dans la mentalité « woke », cet homme blanc devient maintenant l’incarnation du mal, dont les valeurs doivent être strictement rejetées, mais demeure au centre de l’univers. Cela devient pratiquement un racisme anti-blanc.

De plus, les « woke » racialisent — c’est-à-dire essentialisent — l’appartenance religieuse, ce qui implique de négliger la liberté de conscience et, par conséquent, d’abandonner la laïcité.

Nous rejetons le concept d’appropriation culturelle car il nuit aux échanges culturels et impose une contrainte inacceptable à la créativité dans tous les domaines d’activité humaine : arts, gastronomie, architecture, etc.


La mentalité « woke » profite à la droite politique

La mouvance « woke » est extrêmement manichéenne. Les accusations spécieuses de « racisme » proférées par les « woke » sont tellement nombreuses que cela finit par discréditer la notion même de racisme et donner du courage aux vrais racistes. Il en va de même pour les accusations gratuites de sexisme ou de misogynie. Tout comme la droite politique amalgame les woke à la gauche au grand complet, afin de discréditer complètement cette gauche, la droite amalgame aussi le féminisme intersectionnel au féminisme en général, afin de discréditer ce dernier.

Les extravagances des extrémistes trans, qui accusent de « transphobie » toute personne qui ne fait qu’exprimer quelques doutes sur la théorie du genre, font le bonheur des chrétiens intégristes. Cela donne ainsi du courage aux vrais transphobes — qui s’opposent à toute transition de genre, même chez les adultes, médicalement bien encadrés, qui ont pourtant le droit de disposer de leur propre corps. De plus, le fait d’amalgamer l’orientation sexuelle avec la dysphorie de genre dans ce contexte jette du discrédit sur le mouvement des gais et lesbiennes et fait le bonheur des homophobes.

Les accusations d’« islamophobie », proférées contre toute personne qui ne fait que critiquer quelques croyances de la religion islamique, font le bonheur des islamistes et de tous les adversaires de la laïcité. Pourtant, une religion qui interdit l’apostasie, sous peine de punitions très sévères, voire la mort, est une religion extrêmement dangereuse qui se doit d’être critiquée sévèrement.


Le faux amalgame entre la mouvance « woke » et la gauche

Les « woke » ne représentent pas la gauche. Il existe une gauche universaliste, celle qui lutte contre ces préjugés avec nuance et discernement, qui valorise la liberté d’expression, qui évite les fausses accusations et la censure, une gauche qui n’exagère pas nos différences mais qui met l’accent sur notre humanité commune.

Finalement, faire ce faux amalgame entre la gauche et les « woke », cela fait le bonheur, et des « woke » (qui se prétendent de gauche), et de la droite politique (qui profite de la déraison « woke » pour discréditer toute la gauche).


Pour l’égalité des chances, contre l’équité absolue

Nous, Libres penseurs athées, préconisons l’égalité des chances, où toute personne peut accéder à tout poste pour lequel elle possède la compétence et les qualifications, peu importe son sexe, sa « race », etc.

Mais nous rejetons le dogme qui déclare que tout manquement à une équité absolue — c’est-à-dire une égalité des résultats — représente forcément une injustice. On ne peut exiger qu’une profession manipule ses critères d’admission afin que la proportion de chaque minorité soit égale au poids démographique de cette minorité dans la population générale. Au contraire, normalement ces critères ne devraient même pas tenir compte des caractéristiques personnelles qui ne soient pas pertinentes pour cette profession. La seule discrimination positive acceptable, et applicable seulement de façon temporaire en cas d’injustices graves, c’est qu’à compétence égale des candidats on peut choisir un membre de la minorité qui aurait subi cette injustice. En aucun cas on ne doit exclure une catégorie de personnes sur la base de la race, du sexe, etc.


Conclusion

Nous, Libres penseurs athées, n’appuyons aucun parti politique. Notre démarche pour l’athéisme et pour la laïcité s’inscrit dans la tradition qui s’inspire des idéaux des Lumières, celle qui est universaliste, rejetant tous les racismes et tous les obscurantismes, celle qui critique toutes les religions, celle qui préconise l’émancipation en outrepassant les appartenances liberticides.


4 commentaires sur “Manifeste pour l’universalisme
  1. Guy Rochon dit :

    C’est un texte qui fait honneur à cette association qui cherche la lumière au milieu de l’obscurantisme de la pensée arbitraire et doctrinaire. Bravo!

  2. Alain Hermans dit :

    Excellent article que je vais partager.

  3. Loyola Leroux dit :

    Bonjour. Qu’en est-il du respect des frontieres ? Etes-vous pour leur abolition, la libre circulation des individus sur la planete ?

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